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AVOCATS - SECRET PROFESSIONNEL

 

 

Confidentialité des échanges - perquisition

 

 

Saisie de matériel contenant des informations confidentielles échangées entre le requérant  et son avocat

SORVISTO C. FINLANDE

Violation de l’article 8

13.1.2009

 

 Le requérant  se plaignait de la durée excessive de deux procédures pénales et d’une procédure civile engagées contre lui, notamment pour escroquerie qualifiée. S’appuyant également sur l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale, et de la correspondance), il se plaignait de la perquisition d’une installation de stockage durant laquelle avait été saisi du matériel contenant des informations confidentielles échangées entre lui et son avocat. La Cour conclut à l’unanimité à la violation des articles 6 § 1 et 13 à raison de la durée excessive (plus de 14 ans et six mois à ce jour) de la procédure civile et de l’absence d’un recours effectif à cet égard. Elle dit par ailleurs qu’il y a eu violation de ces mêmes dispositions du fait de la durée excessive (neuf ans et huit mois à ce jour) de la deuxième procédure pénale et de l’absence d’un recours effectif à cet égard. Enfin, la Cour constate la violation de l’article 8 en ce qui concerne les mesures de perquisition et de saisie.

 

Sorvisto c. Finlande no 19348/0413/01/2009 Partiellement irrecevable ; Violations de l'art. 6-1 ; Violations de l'art. 13 ; Violation de l'art. 8 ; Préjudice moral - réparation Jurisprudence :  Beck c. Norvège, n° 26390/95, §§ 27-29, 26 juin 2001 ; Chappell c. Royaume-Uni, 30 mars 1989, § 54, série A n° 152-A ; Cocchiarella c. Italie [GC], n° 64886/01, § 77, CEDH 2006- ; Eckle c. Allemagne, 15 juillet 1982, § 66, série A n° 51 ; Frydlender c. France [GC], n° 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII ; Jensen c. Danemark (déc.), n° 48470/99, CEDH 2001- X ; Kopp c. Suisse, 25 mars 1998, Recueil 1998-II, §§ 55, 64, 76 ; Kruslin c. France, 24 avril 1990, §§ 34-35, série A n° 176-A ; Kutzner c. Allemagne, n° 46544/99, § 90, CEDH 2002-I ; Liberty et autres c. Royaume-Uni, n° 58243/00, § 62, 1 juillet 2008 ; Lüdi c. Suisse, 15 juin 1992, § 34, série A n° 238 ; Morby c. Luxembourg (déc.), n° 27156/02, CEDH 2003-XI ; Pélissier et Sassi c. France [GC], n° 25444/94, § 74, CEDH 1999-II ; Sallinen et autres c. Finlande, n° 50882/99, §§ 87, 89, 91, 92, 27 septembre 2005 ; Schlader c. Autriche (déc.), n° 31093/96, 7 mars 2000 ; Scordino c. Italie (n° 1) [GC], n° 36813/97, § 186, CEDH 2006-... ; Silver et autres c. Royaume-Uni, 25 mars 1983, § 90, série A n° 61 ; Société Colas Est et autres c. France, n° 37971/97, § 43, CEDH 2002-III ; van Vondel c. Pays-Bas, n° 38258/03, § 48, 25 octobre 2007 ; Vilho Eskelinen et autres c. Finlande [GC], n° 63235/00, § 82, CEDH 2007-... (L’arrêt n’existe qu’en anglais.)

 

Commission rogatoire  libellée de manière extrêmement vague, donnant tout pouvoir aux enquêteurs de rechercher tout ce qu’ils souhaitaient aussi bien dans l’appartement du requérant que dans son cabinet.

MANCEVSCHI c. MOLDOVA

07.10.2008

Violation de l’article 8

 

Oleg Mancevschi , avocat, se plaignait notamment de ce que son appartement et son cabinet aient été perquisitionnés dans le cadre d’une enquête pour meurtre dont l’un de ses clients faisait l’objet. Il invoquait l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale).

La Cour estime que la perquisition de l’appartement et du cabinet du requérant, dans lequel il conservait les dossiers de ses clients, constitue une ingérence dans l’exercice des droits que l’article 8 lui garantit et que cette ingérence poursuit le but légitime de la défense de l’ordre ou de la prévention des infractions pénales. Quant à savoir si cette ingérence est nécessaire dans une société démocratique, la Cour est notamment frappée de constater que la commission rogatoire était libellée de manière extrêmement vague, donnant tout pouvoir aux enquêteurs de rechercher tout ce qu’ils souhaitaient aussi bien dans l’appartement du requérant que dans son cabinet. Or le requérant n’était lui-même ni inculpé ni soupçonné d’une quelconque infraction pénale ou d’activités illicites et, comme la Cour le constate, aucune règle spéciale ne protégeait la confidentialité des relations entre un avocat et son client. La Cour juge, à l’unanimité, que les autorités ont manqué à leur obligation de justifier sur la base de motifs pertinents et suffisants la délivrance de commissions rogatoires, en violation de l’article 8. (L’arrêt n’existe qu’en anglais.)

 

Jurisprudence : Buck v. Germany, no. 41604/98, § 45, ECHR 2005-IV; Chappell v. the United Kingdom, 30 March 1989, § 60, Series A no. 152-A; Camenzind v. Switzerland, 16 December 1997, § 46, Reports of Judgments and Decisions 1997-VIII; Ernst and Others v. Belgium, no. 33400/96, § 116, 15 July 2003; and Smirnov, cited above, § 47).Funke v. France, 25 February 1993, § 57, Series A no. 256-A;  Niemietz v. Germany, 16 December 1992, §§ 29-33, , § 37Series A no. 251-B, Sallinen and Others v. Finland, no. 50882/99, § 71, 27 September 2005 , Sarban v. Moldova, no. 3456/05, § 59, 4 October 2005  ; Smirnov v. Russia, no. 71362/01, § 44, 7 June 2007, ECHR 2007-..., Tamosius v. the United Kingdom (dec.), no. 62002/00, ECHR 2002-VIII;Wieser and Bicos Beteiligungen GmbH v. Austria, no. 74336/01, § 43, ECHR 2007-...

 

 

Un nouvel arrêt de la  Cour européenne des droits de l’homme

vient renforcer le principe du secret professionnel de l'avocat

André et autre c. France, arrêt du 24 juillet 2008,   no 18603/03

Les perquisitions ou visites domiciliaires effectuées dans le cabinet d’un avocat ne peuvent être considérées comme assorties de garanties suffisantes lorsque la présence du bâtonnier et ses contestations n’ont pas été de nature à empêcher la consultation effective de tous les documents du cabinet, ainsi que leur saisie et que les différents recours juridictionnels prévus en la matière en droit interne  ne répondaient pas aux exigences de la Convention

La Cour estime que des perquisitions et des saisies chez un avocat portent incontestablement atteinte au secret professionnel, qui est la base de la relation de confiance qui existe entre l’avocat et son client. D’ailleurs, la protection du secret professionnel est notamment le corollaire du droit qu’a le client d’un avocat de ne pas contribuer à sa propre incrimination, ce qui présuppose que les autorités cherchent à fonder leur argumentation sans recourir à des éléments de preuve obtenus par la contrainte ou les pressions, au mépris de la volonté de l’« accusé »

 

L’affaire concerne une visite domiciliaire effectuée en juin 2001 dans les locaux professionnels d'une société civile professionnelle d'avocats de Marseille , par des fonctionnaires de l’administration fiscale, en vue de découvrir des éléments à charge contre une société cliente du cabinet d’avocats des requérants contre laquelle pesait une présomption de fraude fiscale. Les opérations se déroulèrent en présence de M. André, du bâtonnier de l’Ordre des avocats de Marseille et d’un officier de police judiciaire, et 66 documents furent saisis. Parmi eux, des notes manuscrites et un document portant une mention manuscrite rédigés par le premier requérant, pour lesquels le bâtonnier fit observer qu’il s’agissait de documents personnels de l’avocat, dès lors soumis au secret professionnel absolu et ne pouvant faire l’objet d’une saisie.

Devant la Cour de Strasbourg, les requérants, se plaignant de l’illégalité de la visite et des saisies, formèrent un pourvoi qui fut rejeté par la Cour de cassation. Invoquant notamment les articles 6 § 1 (droit à un procès équitable) et 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention européenne des droits de l’homme, les requérants dénonçaient une méconnaissance de leurs droits de la défense, du secret professionnel et l’absence de recours effectif pour contester la régularité des visites et saisies domiciliaires dont ils ont fait l’objet.

La Cour européenne des droits de l’homme rappelle tout d’abord avoir déjà examiné dans une précédente affaire (Ravon c. France, n° 18497/03, §§ 24-26, et 28-35, 21 février 2008 ) les différents recours juridictionnels prévus en la matière en droit interne et avoir conclu qu’ils ne répondaient pas aux exigences de la Convention. Par conséquent, elle conclut à l’unanimité à la violation de l’article 6 § 1 (droit d’accès à un tribunal) en raison de l’absence de contrôle juridictionnel effectif.

Concernant le grief tiré de l’article 8, selon la Cour, les perquisitions ou visites domiciliaires effectuées dans le cabinet d’un avocat doivent impérativement être assorties de garanties particulières. De même, il est impératif d’encadrer strictement de telles mesures. La Cour note que la visite domiciliaire s’est accompagnée d’une garantie spéciale puisqu’elle a été exécutée en présence du bâtonnier de l’Ordre des avocats de Marseille. En revanche, outre l’absence du juge qui avait autorisé la visite domiciliaire, la présence du bâtonnier et ses contestations n’ont pas été de nature à empêcher la consultation effective de tous les documents du cabinet, ainsi que leur saisie. En outre, les fonctionnaires et officier de police judiciaire se sont vus reconnaître des pouvoirs étendus en raison des termes larges dans lesquels était rédigée l’autorisation de la visite domiciliaire. Enfin, la Cour note que dans le cadre d’un contrôle fiscal de la société cliente des requérants, l’administration visait ces derniers pour la seule raison qu’elle avait des difficultés, d’une part, à effectuer son contrôle fiscal et, d’autre part, à trouver des documents de nature à confirmer les soupçons de fraude qui pesaient sur la société, et ce sans qu’à aucun moment les requérants n’aient été accusés ou soupçonnés d’avoir commis une infraction ou participé à une fraude commise par leur cliente. Dès lors, jugeant la visite domiciliaire et les saisies disproportionnées par rapport au but visé, la Cour conclut à l’unanimité à la violation de l’article 8.

Extraits de l'arrêt :

 Sur le grief tiré de la violation du secret professionnel

"La Cour rappelle en premier lieu que le terme de « domicile » figurant à l’article 8 peut englober, par exemple, le bureau d’un membre d’une profession libérale, notamment d’un avocat (Niemietz c. Allemagne, arrêt du 16 décembre 1992, série A no 251-B, p. 34, § 30, et Roemen et Schmit c. Luxembourg, no 51772/99, § 64, CEDH 2003-IV ; André et autre c. France, arrêt du 24 juillet 2008,   no 18603/03  § 36.  

   Dès lors, elle considère que la visite opérée au cabinet des requérants et les saisies effectuées s’analysent en une ingérence dans l’exercice de leurs droits découlant du paragraphe 1 de l’article 8 de la Convention.

   Elle estime que pareille ingérence était « prévue par la loi ». En effet, l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales définit les modalités à respecter en cas de visite domiciliaire, et l’application conjuguée des dispositions des articles 56 et 56-1 du code de procédure pénale vise expressément le respect du secret professionnel et du domicile professionnel ou privé d’un avocat. Les requérants ne se plaignent d’ailleurs pas d’un défaut de base légale, mais de l’absence de proportionnalité et de nécessité des mesures litigieuses dans les circonstances de l’espèce.

   Elle juge par ailleurs que l’ingérence poursuivait un « but légitime », à savoir celui de la défense de l’ordre public et de la prévention des infractions pénales.

Quant à la question de la « nécessité » de cette ingérence, la Cour rappelle que « les exceptions que ménage le paragraphe 2 de l’article 8 appellent une interprétation étroite et [que] leur nécessité dans un cas donné doit se trouver établie de manière convaincante » (Crémieux c. France, arrêt du 25 février 1993, série A no 256-B, p. 62, § 38, et Roemen et Schmit, précité, § 68; André et autre c. France, arrêt du 24 juillet 2008,   no 18603/03 § 40.  

La Cour estime que des perquisitions et des saisies chez un avocat portent incontestablement atteinte au secret professionnel, qui est la base de la relation de confiance qui existe entre l’avocat et son client. D’ailleurs, la protection du secret professionnel est notamment le corollaire du droit qu’a le client d’un avocat de ne pas contribuer à sa propre incrimination, ce qui présuppose que les autorités cherchent à fonder leur argumentation sans recourir à des éléments de preuve obtenus par la contrainte ou les pressions, au mépris de la volonté de l’« accusé » (J.B. c. Suisse, arrêt du 3 mai 2001, Recueil des arrêts et décisions 2001-III, § 64 ; voir également, parmi d’autres, Funke c. France, arrêt du 25 février 1993, série A no 256-A, § 44; André et autre c. France, arrêt du 24 juillet 2008,   no 18603/03 § 41.)

Partant, si le droit interne peut prévoir la possibilité de perquisitions ou de visites domiciliaires dans le cabinet d’un avocat, celles-ci doivent impérativement être assorties de garanties particulières. De même, la Convention n’interdit pas d’imposer aux avocats un certain nombre d’obligations susceptibles de concerner les relations avec leurs clients. Il en va ainsi notamment en cas de constat de l’existence d’indices plausibles de participation d’un avocat à une infraction (paragraphe 15 ci-dessus), ou encore dans le cadre de la lutte contre certaines pratiques (paragraphes 17-18 ci-dessus). Reste qu’il est alors impératif d’encadrer strictement de telles mesures, les avocats occupant une situation centrale dans l’administration de la justice et leur qualité d’intermédiaires entre les justiciables et les tribunaux permettant de les qualifier d’auxiliaires de justice. André et autre c. France, arrêt du 24 juillet 2008,   no 18603/03 § 42.  

En l’espèce, la Cour note que la visite domiciliaire s’est accompagnée d’une garantie spéciale de procédure, puisqu’elle fut exécutée en présence du bâtonnier de l’Ordre des avocats dont relevaient les requérants. En outre, la présence du bâtonnier et les observations concernant la sauvegarde du secret professionnel que celui-ci estima devoir faire à propos des documents à saisir furent mentionnées dans le procès-verbal des opérations.André et autre c. France, arrêt du 24 juillet 2008,   no 18603/03 § 43

En revanche, outre l’absence du juge qui avait autorisé la visite domiciliaire, la présence du bâtonnier et les contestations expresses de celui-ci n’ont pas été de nature à empêcher la consultation effective de tous les documents du cabinet, ainsi que leur saisie. S’agissant notamment de la saisie de notes manuscrites du premier requérant, la Cour relève qu’il n’est pas contesté qu’il s’agissait de documents personnels de l’avocat, soumis au secret professionnel, comme le soutenait le bâtonnier.André et autre c. France, arrêt du 24 juillet 2008,   no 18603/03 § 44.  

45.  Par ailleurs, la Cour relève que l’autorisation de la visite domiciliaire était rédigée en termes larges, la décision se contentant d’ordonner de procéder aux visites et aux saisies nécessitées par la recherche de la preuve des agissements dans certains lieux où des documents et supports d’information relatifs à la fraude présumée étaient susceptibles de se trouver, et ce en particulier au domicile professionnel des requérants. Dès lors, les fonctionnaires et officiers de police judiciaire se voyaient reconnaître des pouvoirs étendus.

Ensuite, et surtout, la Cour constate que la visite domiciliaire litigieuse avait pour but la découverte chez les requérants, en leur seule qualité d’avocats de la société soupçonnée de fraude, de documents susceptibles d’établir la fraude présumée de celle-ci et de les utiliser à charge contre elle. A aucun moment les requérants n’ont été accusés ou soupçonnés d’avoir commis une infraction ou participé à une fraude commise par leur cliente.André et autre c. France, arrêt du 24 juillet 2008,   no 18603/03 § 46.  

La Cour note donc qu’en l’espèce, dans le cadre d’un contrôle fiscal d’une société cliente des requérants, l’administration visait ces derniers pour la seule raison qu’elle avait des difficultés, d’une part, à effectuer ledit contrôle fiscal et, d’autre part, à trouver des « documents comptables, juridiques et sociaux » de nature à confirmer les soupçons de fraude qui pesaient sur la société cliente. André et autre c. France, arrêt du 24 juillet 2008,   no 18603/03 § 47.  

48.  Compte tenu de ce qui précède, la Cour juge que la visite domiciliaire et les saisies effectuées au domicile des requérants étaient, dans les circonstances de l’espèce, disproportionnées par rapport au but visé.

49.  Partant, il y a eu violation de l’article 8 de la Convention."

 

Jurisprudence : Brualla Gómez de la Torre c. Espagne, du 19 décembre 1997, Recueil 1997-VIII, § 41 ; Crémieux c. France, arrêt du 25 février 1993, série A n° 256-B, p. 62, § 38 ; Funke c. France, arrêt du 25 février 1993, série A n° 256-A, § 44 ; J.B. c. Suisse, arrêt du 3 mai 2001, Recueil des arrêts et décisions 2001-III, § 64 ; Kudla c. Pologne [GC], du 26 octobre 2000, n° 30210/96, CEDH 2000-XI, § 146 ; Niemietz c. Allemagne, arrêt du 16 décembre 1992, série A n° 251-B, p. 34, § 30 ; Ravon c. France, n° 18497/03, §§ 24-26, et 28-35, 21 février 2008 ; Roemen et Schmit c. Luxembourg, n° 51772/99, § 64 et § 68, CEDH 2003-IV Sources Externes :Directive 91/308/CEE sur la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ; Recommandation R (2000) 21 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur la liberté d’exercice de la profession d’avocat(L’arrêt n’existe qu’en français.)

 

Obligations de l'avocat – article 6-1

La négligence de l’avocat concernant les mesures nécessaires à prendre pour recevoir sa correspondance ne peut être imputée aux autorités.

LOUESLATI C. FRANCE

20.11.2008

Non-violation de l’article 6 § 1

 

En novembre 1999, M. Loueslati porta plainte avec constitution de partie civile pour détention arbitraire par l’intermédiaire de son avocat. Il joignit à sa plainte une déclaration d’adresse dans laquelle il déclarait comme adresse celle d’un foyer situé à Versailles. Le requérant fut incarcéré le lendemain de sa plainte en vertu d’une condamnation prononcée par la cour d’assises des Yvelines et changea par la suite de lieu de détention. Le cabinet de son avocat fut ultérieurement transféré à une nouvelle adresse. En janvier 2003, une ordonnance de non-lieu fut rendue dans le cadre de cette plainte. La lettre recommandée envoyée le jour de l’ordonnance à l’adresse déclarée par le requérant au moment du dépôt de la plainte revint au greffe avec la mention « non réclamée ». Celle envoyée le même jour à son avocat fut également retournée en raison de son changement d’adresse. En avril 2003, informé de l’ordonnance de non-lieu, le requérant fit appel. Celui-ci fut déclaré irrecevable pour non-respect du délai légal de dix jours. Invoquant l’article 6 § 1 (droit d’accès à un tribunal), M. Loueslati alléguait avoir été privé de son droit d’accès à la chambre de l’instruction en raison de l’irrecevabilité de son appel.

La Cour réaffirme que la réglementation relative aux formalités et aux délais à observer pour former un recours vise à assurer la bonne administration de la justice et le respect, en particulier, du principe de la sécurité juridique. Les intéressés doivent s’attendre à ce que ces règles soient appliquées. Toutefois, la réglementation en question, ou l’application qui en est faite, ne devrait pas empêcher le justiciable de se prévaloir d’une voie de recours disponible La Cour relève que la loi française prévoit que toute notification faite à l’adresse déclarée de la partie civile est réputée faite à sa personne. La Cour observe que la déclaration d’adresse du requérant est datée de la veille du jour où il a été incarcéré et que, par la suite, ni lui ni son avocat n’ont informé le juge d’instruction de son adresse en détention.

  Dans la présente affaire, l’appel formé par le requérant contre l’ordonnance de non-lieu a été déclaré irrecevable pour non-respect du délai de dix jours prévu par l’article 186 § 4 du code de procédure pénale. Ce délai court à compter de la signification ou notification de l’ordonnance à la partie civile à l’adresse que cette dernière a déclarée conformément à l’article 89 du même code. En l’espèce, la lettre recommandée adressée le jour de l’ordonnance au requérant à son adresse déclarée au moment du dépôt de la plainte était revenue au greffe avec la mention « non réclamée ». Celle envoyée le même jour à Me M. fut également retournée en raison de son changement d’adresse.

 S’agissant de l’avocat,, la Cour relève qu’il n’a pas signalé son changement d’adresse professionnelle au juge d’instruction. En sa qualité de professionnel du droit, il ne pouvait ignorer l’importance de cette formalité, qui lui incombait, ainsi que ses conséquences éventuelles pour la notification des actes de procédure et la computation des délais de recours, étant précisé à cet égard que, selon la Cour de cassation, le fait qu’un avocat accepte d’assurer la défense d’une partie n’implique pas son acceptation de recevoir des actes de procédure destinés à celle-ci.

   Le fait que l'avocat ait adressé au juge des courriers sur du papier à lettres comportant, en bas de page, sa nouvelle adresse ne peut être considéré comme suffisant. Même si le juge a répondu à deux reprises à cette adresse, il ne lui appartenait pas de vérifier la concordance entre ladite adresse et celle que Me M. avait indiquée au moment du dépôt de la plainte.

Dans ces conditions, la Cour est d’avis que l'avocat a négligé de prendre les mesures nécessaires pour recevoir sa correspondance que cette négligence ne peut être imputée aux autorités.

       La Cour estime également devoir tenir compte de ce que, dans la procédure en cause, le requérant avait la qualité de partie civile, dont la plainte met en mouvement l’action publique. Dès lors, la Cour est d’avis que, vu son rôle dans le déclenchement de la procédure, les autorités internes peuvent légitimement attendre de la partie civile qu’elle fasse preuve de diligence.

   Tenant compte de l’ensemble des circonstances de l’espèce, la Cour arrive à la conclusion que l’application qui a été faite des articles 89 et 186 § 4 du code de procédure pénale n’était ni arbitraire ni déraisonnable et que l’irrecevabilité de l’appel formé par le requérant contre l’ordonnance de non-lieu n’a pas constitué une atteinte disproportionnée à son droit d’accès à un tribunal.Par conséquent, la Cour conclut à l’unanimité à la non-violation de l’article 6 § 1.

 

  Loueslati c. France  no 36141/03 Jurisprudence : Annoni di Gussola et autres c. France, nos 31819/96 et 33293/96, § 48, CEDH 2000-XI; Cañete de Goñi c. Espagne, no 55782/00, § 36, CEDH 2002-VIII, García Manibardo c. Espagne, n38695/97, § 36, CEDH 2000-II  :Hennings c. Allemagne, 16 décembre 1992, § 26, série A no 251-A ;  Kaufmann c. Italie, no 14021/02, § 32, 19 mai 2005  Melnyk c. Ukraine, no 23436/03, § 23, 28 mars 2006;  Pérez de Rada Cavanilles c. Espagne, arrêt du 28 octobre 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-VIII, p. 3255, § 45, Zvolský et Zvolská c. République tchèque, no 46129/99, § 47, CEDH 2002-IX (L’arrêt n’existe qu’en français.)

 

 

 

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