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PROCES EQUITABLE

EGALITE DES ARMES

L'article 6 de la Convention

droit d’accès à un tribunal

 

 FRANCE – CAPACITE D'ESTER EN JUSTICE - ASSOCIATION ETRANGERE - LOI DE 1901  -

La déclaration prévue à l'article 5 de la loi de 1901 pour une association étrangère n'ayant pas de " principal établissement " en France et souhaitant introduire une action en diffamation afin de lui permettre d'ester en justice,  a imposé  dans les circonstances de l'espèce, aux requérantes une véritable restriction, au demeurant non suffisamment prévisible, qui porte atteinte à la substance même de leur droit d'accès à un tribunal, (espèce)

 

LIGUE DU MONDE ISLAMIQUE ET ORGANISATION ISLAMIQUE MONDIALE DU SECOURS ISLAMIQUE C. FRANCE

15/01/2009

Violation de l’article 6 § 1 (équité)

 

En octobre 2003, les requérantes déposèrent chacune une plainte avec constitution de partie civile pour diffamation, à la suite de la diffusion en France d’un article du quotidien égyptien Sot al Orouba consacré aux attentats du 11 septembre 2001.

Invoquant les articles 6 § 1 (droit à un procès équitable) et 14 (interdiction de la discrimination), les intéressées se plaignaient de l’irrecevabilité de leurs plaintes au motif qu’elles n’auraient pas accompli les formalités exigées pour obtenir la capacité d’ester en justice en France.

 

La Cour note que la loi du 1er juillet 1901, en ses articles 2 et 5, règle les questions afférentes à la création d'associations et à la reconnaissance de la capacité juridique de celles-ci, qui se fait au moyen d'une déclaration préalable auprès des autorités préfectorales. Plus précisément, l'article 5 alinéa 3 de la loi prévoit que lorsqu'une association a son siège social à l'étranger, la déclaration préalable en vue de l'obtention de la capacité juridique doit être faite à la préfecture du département où se situe le siège de son principal établissement. Or, de par les termes utilisés, cet alinéa a vocation à s'appliquer aux associations étrangères qui souhaitent s'établir sur le territoire français pour exercer une activité. Il ne vise pas expressément la question de la capacité d'ester en justice d'une association, comme les requérantes, qui a son siège social à l'étranger, n'exerce aucune activité en France, mais souhaite introduire ponctuellement une action en justice pour défendre ses droits de caractère civil.

La Cour a déjà constaté qu'en raison même du principe de généralité des lois, le libellé de celles-ci ne peut présenter une précision absolue. L'une des techniques types de réglementation consiste à recourir à des catégories générales plutôt qu'à des listes exhaustives. Aussi de nombreuses lois se servent-elles par la force des choses de formules plus ou moins floues, afin d'éviter une rigidité excessive et de pouvoir s'adapter aux changements de situation. L'interprétation et l'application de pareils textes dépendent de la pratique (voir, parmi d'autres, Kokkinakis, précité, § 40 et Cantoni, précité, § 31).

La fonction de décision confiée aux juridictions sert précisément à dissiper les doutes qui pourraient subsister quant à l'interprétation des normes, en tenant compte des évolutions de la pratique quotidienne, à condition que le résultat soit raisonnablement prévisible. La Cour doit dès lors rechercher si, en l'espèce, le texte de la disposition légale, lue éventuellement à la lumière de la jurisprudence interprétative dont elle s'accompagne, remplissait cette condition (Cantoni, précité, § 32).

La Cour note que la référence à l'article 5 précité faite en premier lieu par le juge d'instruction donne lieu à interprétation : dans ses ordonnances du 24 mars 2004, celui-ci relevait que les requérantes ne justifiaient ni d'un établissement situé en France ni d'une déclaration préalable faite à la préfecture du département où était situé le siège de son principal établissement. Par la suite, le 10 septembre 2004, la chambre de l'instruction a constaté que les requérantes n'avaient pas souscrit de déclaration auprès de la préfecture du siège de leur principal établissement. Dans ses arrêts du 12 avril 2005, la Cour de cassation a confirmé cette approche. Il ressort donc que les juridictions françaises semblent imposer une déclaration à la préfecture du siège du principal établissement.

Or, comme l'a estimé le juge d'instruction dans ses ordonnances du 24 mars 2004, les requérantes n'avaient pas un tel établissement en France. A cet égard, la Cour n'est pas convaincue par les allégations du Gouvernement selon lesquelles les requérantes disposeraient d'un bureau en France (paragraphe 43 ci-dessus). En outre, l'obligation de déclaration au lieu du principal établissement apparaît d'autant plus ambigüe que, postérieurement aux décisions et arrêts précités, le ministère des Affaires étrangères a indiqué au conseil des requérantes qu'une association étrangère devait procéder à une déclaration à la préfecture du lieu de son élection de domicile, tandis que la préfecture de police de Paris, dans sa lettre du 3 octobre 2007 au même conseil, imposait à cette association l'ouverture en France d'un principal établissement. La Cour relève à cet égard que ni la législation pertinente ni la jurisprudence y afférente ne se fondent sur la notion de domicile élu, contrairement au Gouvernement qui y fait référence.

La Cour note, de surcroît, que les requérantes avaient fait « élection de domicile » au cabinet de leur avocat, mais pour les besoins de la procédure qu'elles avaient engagée devant les juridictions françaises. Cette élection de domicile ne pourrait valoir « lieu du principal établissement » de manière fictive aux fins des exigences de l'article 5 de la loi du 1er juillet 1901.

Dans les circonstances de l'espèce, la Cour estime qu'en exigeant la déclaration prévue à l'article 5 de la loi de 1901 pour une association étrangère n'ayant pas de " principal établissement " en France et souhaitant introduire une action en diffamation afin de lui permettre d'ester en justice, les autorités françaises n'ont pas seulement sanctionné l'inobservation d'une simple formalité nécessaire à la protection de l'ordre public et des tiers, comme le soutient le gouvernement. Elles ont aussi  imposé aux requérantes une véritable restriction, au demeurant non suffisamment prévisible, qui porte atteinte à la substance même de leur droit d'accès à un tribunal, de sorte qu'il y a eu violation de l'article 6 de la Convention. 

Ligue du monde islamique et Organisation islamique mondiale du secours islamique c. France (nos 36497/05 et 37172/05) 15/01/2009  Exception préliminaire jointe au fond et rejetée (requête abusive) ; Violation de l'art. 6-1 ; Préjudice moral - constat de violation suffisant  Droit en Cause Articles 2 et 5 de la loi du 1er juillet 1901  Jurisprudence de Strasbourg Bottazzi c. Italie [GC], no 34884/97, § 30, CEDH 1999-V ; Brumarescu c. Roumanie [GC], no 28342/95, § 61, CEDH 1999-VII ; Cantoni c. France, 15 novembre 1996, § 29, § 31 et § 32, Recueil des arrêts et décisions 1996-V ; Coëme et autres c. Belgique, nos 32492/96, 32547/96, 32548/96, 33209/96 et 33210/96, § 145, CEDH 2000-VII ; E.K. c. Turquie, no 28496/95, § 51, 7 février 2002 ; Eglise catholique de la Canée c. Grèce, 16 décembre 1997, §§ 40-42, Recueil 1997-VIII ; Entreprises Robert Delbrassine S.A. et autres c. Belgique, no 49204/99, § 35, 1 juillet 2004 ; García Manibardo c. Espagne, no 38695/97, § 36, CEDH 2000-II ; Les Saints Monastères c. Grèce, 9 décembre 1994, § 83, série A n° 301-A ; Mortier c. France, no 42195/98, § 33, 31 juillet 2001 ; Tejedor García c. Espagne, 16 décembre 1997, § 31, Recueil des arrêts et décisions 1997-VIII, p. 2796

 

FRANCE – PROCEDURE ADMINISTRATIVE - DESISTEMENT D'OFFICE - CHARGE DISPROPORTIONNEE QUI ROMPT LE JUSTE EQUILIBRE ENTRE LE RESPECT DE CONDITIONS FORMELLES ET  LE DROIT D'ACCES AU JUGE 

 

Le  mécanisme du désistement d'office devant le Conseil d'Etat impose  dans les circonstances de l'espèce, une charge disproportionnée qui rompt le juste équilibre entre, d'une part, le souci légitime d'assurer le respect des conditions formelles pour saisir les juridictions et, d'autre part, le droit d'accès au juge (Espèce)

GUILLARD C. FRANCE

15/01/2009

Violation de l’article 6 § 1 (équité)

 

Invoquant l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable), l’intéressé capitaine de port à la retraite, se plaignait de l’iniquité d’une procédure concernant sa pension de retraite. La Cour conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 6 § 1 

Il résulte de la jurisprudence de la Cour que si le droit d'exercer un recours est bien entendu soumis à des conditions légales, les tribunaux doivent, en appliquant des règles de procédure, éviter à la fois un excès de formalisme qui porterait atteinte à l'équité de la procédure, et une souplesse excessive qui aboutirait à supprimer les conditions de procédure établies par les lois (Kadlec et autres c. République tchèque, no 49478/99, § 26, 25 mai 2004 et Walchli c. France, no 35787/03, § 29, 26 juillet 2007).

La Cour relève que, dans la présente affaire, selon les règles de compétence des juridictions administratives, le Conseil d'Etat était appelé à statuer en premier et dernier ressort sur le recours du requérant. Ce dernier soulevait la non-conformité du décret du 26 février 2001 avec le « protocole Durafour » et faisait valoir le manque à gagner qui en résultait pour lui, notamment en termes de retraite. Toutefois, son recours n'a pas été examiné au fond par le Conseil d'Etat, qui a estimé qu'il s'en était désisté d'office.

Il ne fait pas de doute pour la Cour qu'un mécanisme tel que celui du désistement d'office, qui a pour but de réduire le délai d'instruction des recours devant les juridictions administratives, vise une bonne administration de la justice. Reste à établir si l'application qui en a été faite en l'espèce a respecté un rapport raisonnable de proportionnalité.

La Cour note qu'aux termes de l'article R. 611-22 du code de justice administrative, le requérant qui, dans sa requête initiale, a mentionné l'intention de présenter un mémoire complémentaire et ne le fait pas dans un certain délai est réputé s'être désisté d'office. En l'espèce, le Conseil d'Etat a considéré que la phrase « je me réserve le droit d'amplifier le présent recours si besoin est » indiquait l'intention du requérant de produire un tel mémoire et en a tiré les conséquences.

Le requérant, pour sa part, a précisé que cette phrase était inspirée de la formule d'usage par laquelle se terminaient les rapports de mer qu'il rédigeait en qualité de capitaine de port (« le capitaine se réserve le droit d'amplifier le présent rapport si besoin est »).

Le Gouvernement fait valoir que ces termes laissaient supposer « sans ambiguïté » l'intention de produire un mémoire ampliatif.

La Cour ne partage pas cette approche. Elle observe en effet que le requérant, non juriste, n'était pas représenté par un avocat au stade de l'introduction de son recours, comme le droit français le lui permet (en l'espèce l'article R. 432-2 du CJA). Si l'on peut légitimement attendre d'un professionnel du droit qu'il soit particulièrement rigoureux dans la rédaction d'un recours, et en particulier dans le choix des mots qu'il emploie, un tel degré d'exigence ne peut être appliqué sans flexibilité à un requérant qui n'est pas représenté.

La Cour rappelle que la spécificité d'une procédure devant une haute juridiction ne peut justifier qu'il ne soit pas offert au demandeur, auquel il est reconnu en droit interne le droit de se représenter personnellement, des moyens de procédure qui lui assureront le droit à un procès équitable devant cette juridiction (cf. mutatis mutandis Voisine c. France (no 27362/95, §§ 32-33, 8 février 2000).

Or en l'espèce, le requérant, s'il utilisait le terme « amplifier », ne faisait aucune référence à un éventuel mémoire qu'il entendait produire (cf. a contrario les arrêts cités au paragraphe 20 ci-dessus). La Cour relève d'ailleurs qu'il a utilisé la même mention à la fin de son mémoire en réplique (« je me réserve d'amplifier le présent mémoire si besoin est »), ce qui souligne qu'il l'utilisait comme une formule d'usage.

La Cour observe par ailleurs que la jurisprudence du Conseil d'Etat sur ce point peut paraître d'une relative complexité à un non professionnel du droit puisque, notamment, l'expression « (le demandeur) se réserve le droit de produire tout mémoire », proche de celle employée par le requérant, n'a pas été interprétée par la haute juridiction comme annonçant la présentation d'un mémoire complémentaire (voir l'arrêt Yepes cité au paragraphe 21 ci-dessus).

La Cour attache également une particulière importance au fait qu'aucun des ministres défendeurs n'a soulevé le désistement d'office, alors que cet argument est souvent invoqué par l'administration devant le Conseil d'Etat. Cela signifie que les défendeurs eux-mêmes, qui sont familiers de la procédure administrative, n'ont pas vu dans la formule employée par le requérant, alors qu'ils y avaient pourtant tout intérêt, l'annonce « sans ambiguïté » d'un mémoire complémentaire.

La Cour tient également compte des conséquences du désistement d'office pour le requérant : ce dernier, qui se plaignait des effets du décret, notamment sur sa retraite, n'a pas pu faire examiner son recours par le Conseil d'Etat, seul juge qu'il pouvait saisir en raison de sa compétence en premier et dernier ressort (cf. a contrario, Société civile des Néo-Polders c. France (déc.), no 71463/01, 22 février 2005, où le recours avait été examiné par trois degrés de juridiction).

En dernier lieu, la Cour observe que l'objectif poursuivi, à savoir réduire le délai d'instruction des recours, peut être atteint par des moyens moins rigoureux, tels que l'envoi d'une mise en demeure, comme c'est le cas devant les tribunaux administratifs et cours administratives d'appel (voir paragraphe 17 ci-dessus).

En conclusion, la Cour est d'avis que, dans les circonstances de l'espèce, le requérant s'est vu imposer une charge disproportionnée qui rompt le juste équilibre entre, d'une part, le souci légitime d'assurer le respect des conditions formelles pour saisir les juridictions et, d'autre part, le droit d'accès au juge (Kadlec précité §§ 23-30 et Walchli précité, §36).

Il y a eu, dès lors, violation de l'article 6 § 1 de la Convention.

 

Guillard c. France (no 24488/04) 15/01/2009 Violation de l'art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice moral - réparation Droit en Cause Articles R. 432-2 et R. 611-22 du code de justice administrative Jurisprudence de Strasbourg Annoni di Gussola et autres c. France, nos 31819/96 et 33293/96, § 48, CEDH 2000-XI ; Cañete de Goñi c. Espagne, no 55782/00, § 36, CEDH 2002-VIII ; García Manibardo c. Espagne, no 38695/97, § 36, CEDH 2000-II ; Kadlec et autres c. République tchèque, no 49478/99, §§ 23-30, 25 mai 2004 ; Kaufmann c. Italie, no 14021/02, § 32, 19 mai 2005 ; Mantovanelli c. France, arrêt du 18 mars 1997, § 40, Recueil 1997-II ; Melnyk c. Ukraine, no 23436/03, § 23, 28 mars 2006 ; Pérez de Rada Cavanilles c. Espagne, arrêt du 28 octobre 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-VIII, p. 3255, § 45 ; Société civile des Néo-Polders c. France (déc.), no 71463/01, 22 février 2005 ; Voisine c. France, no 27362/95, §§ 32-33, 8 février 2000 ; Walchli c. France, no 35787/03, § 29 et § 36, 26 juillet 2007 ; Zvolský et Zvolská c. République tchèque, no 46129/99, § 47, CEDH 2002-IX (L’arrêt n’existe qu’en français.)

 

 

OBLIGATIONS DE L'AVOCAT

La négligence de l’avocat concernant les mesures nécessaires à prendre pour recevoir sa correspondance ne peut être imputée aux autorités.

LOUESLATI C. FRANCE

20.11.2008

Non-violation de l’article 6 § 1

 

En novembre 1999, M. Loueslati porta plainte avec constitution de partie civile pour détention arbitraire par l’intermédiaire de son avocat. Il joignit à sa plainte une déclaration d’adresse dans laquelle il déclarait comme adresse celle d’un foyer situé à Versailles. Le requérant fut incarcéré le lendemain de sa plainte en vertu d’une condamnation prononcée par la cour d’assises des Yvelines et changea par la suite de lieu de détention. Le cabinet de son avocat fut ultérieurement transféré à une nouvelle adresse. En janvier 2003, une ordonnance de non-lieu fut rendue dans le cadre de cette plainte. La lettre recommandée envoyée le jour de l’ordonnance à l’adresse déclarée par le requérant au moment du dépôt de la plainte revint au greffe avec la mention « non réclamée ». Celle envoyée le même jour à son avocat fut également retournée en raison de son changement d’adresse. En avril 2003, informé de l’ordonnance de non-lieu, le requérant fit appel. Celui-ci fut déclaré irrecevable pour non-respect du délai légal de dix jours. Invoquant l’article 6 § 1 (droit d’accès à un tribunal), M. Loueslati alléguait avoir été privé de son droit d’accès à la chambre de l’instruction en raison de l’irrecevabilité de son appel.

La Cour réaffirme que la réglementation relative aux formalités et aux délais à observer pour former un recours vise à assurer la bonne administration de la justice et le respect, en particulier, du principe de la sécurité juridique. Les intéressés doivent s’attendre à ce que ces règles soient appliquées. Toutefois, la réglementation en question, ou l’application qui en est faite, ne devrait pas empêcher le justiciable de se prévaloir d’une voie de recours disponible La Cour relève que la loi française prévoit que toute notification faite à l’adresse déclarée de la partie civile est réputée faite à sa personne. La Cour observe que la déclaration d’adresse du requérant est datée de la veille du jour où il a été incarcéré et que, par la suite, ni lui ni son avocat n’ont informé le juge d’instruction de son adresse en détention.

  Dans la présente affaire, l’appel formé par le requérant contre l’ordonnance de non-lieu a été déclaré irrecevable pour non-respect du délai de dix jours prévu par l’article 186 § 4 du code de procédure pénale. Ce délai court à compter de la signification ou notification de l’ordonnance à la partie civile à l’adresse que cette dernière a déclarée conformément à l’article 89 du même code. En l’espèce, la lettre recommandée adressée le jour de l’ordonnance au requérant à son adresse déclarée au moment du dépôt de la plainte était revenue au greffe avec la mention « non réclamée ». Celle envoyée le même jour à Me M. fut également retournée en raison de son changement d’adresse.

 S’agissant de l’avocat,, la Cour relève qu’il n’a pas signalé son changement d’adresse professionnelle au juge d’instruction. En sa qualité de professionnel du droit, il ne pouvait ignorer l’importance de cette formalité, qui lui incombait, ainsi que ses conséquences éventuelles pour la notification des actes de procédure et la computation des délais de recours, étant précisé à cet égard que, selon la Cour de cassation, le fait qu’un avocat accepte d’assurer la défense d’une partie n’implique pas son acceptation de recevoir des actes de procédure destinés à celle-ci.

   Le fait que l'avocat ait adressé au juge des courriers sur du papier à lettres comportant, en bas de page, sa nouvelle adresse ne peut être considéré comme suffisant. Même si le juge a répondu à deux reprises à cette adresse, il ne lui appartenait pas de vérifier la concordance entre ladite adresse et celle que Me M. avait indiquée au moment du dépôt de la plainte.

Dans ces conditions, la Cour est d’avis que l'avocat a négligé de prendre les mesures nécessaires pour recevoir sa correspondance que cette négligence ne peut être imputée aux autorités.

       La Cour estime également devoir tenir compte de ce que, dans la procédure en cause, le requérant avait la qualité de partie civile, dont la plainte met en mouvement l’action publique. Dès lors, la Cour est d’avis que, vu son rôle dans le déclenchement de la procédure, les autorités internes peuvent légitimement attendre de la partie civile qu’elle fasse preuve de diligence.

   Tenant compte de l’ensemble des circonstances de l’espèce, la Cour arrive à la conclusion que l’application qui a été faite des articles 89 et 186 § 4 du code de procédure pénale n’était ni arbitraire ni déraisonnable et que l’irrecevabilité de l’appel formé par le requérant contre l’ordonnance de non-lieu n’a pas constitué une atteinte disproportionnée à son droit d’accès à un tribunal.Par conséquent, la Cour conclut à l’unanimité à la non-violation de l’article 6 § 1.

 

  Loueslati c. France  no 36141/03 Jurisprudence : Annoni di Gussola et autres c. France, nos 31819/96 et 33293/96, § 48, CEDH 2000-XI; Cañete de Goñi c. Espagne, no 55782/00, § 36, CEDH 2002-VIII, García Manibardo c. Espagne, n38695/97, § 36, CEDH 2000-II  :Hennings c. Allemagne, 16 décembre 1992, § 26, série A no 251-A ;  Kaufmann c. Italie, no 14021/02, § 32, 19 mai 2005  Melnyk c. Ukraine, no 23436/03, § 23, 28 mars 2006;  Pérez de Rada Cavanilles c. Espagne, arrêt du 28 octobre 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-VIII, p. 3255, § 45, Zvolský et Zvolská c. République tchèque, no 46129/99, § 47, CEDH 2002-IX (L’arrêt n’existe qu’en français.)

 

 

 

 

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