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·  Voir aussi : CEDH - DROIT DE PROPRIETE - RESPECT DES BIENS

 

 

·  Voir aussi : CEDH - PROCES EQUITABLE

·  Voir aussi : CEDH – DROIT A LA LIBERTE ET A LA SÛRETE

 

 

PROCES EQUITABLE

PROCEDURE PENALE

droit d’interroger les témoins

 

TAXQUET C. BELGIQUE

13.1.2009

Violations de l’article 6 §§ 1 et 3 d)

 

Le requérant,   accusé en 2003 de l’assassinat d’un ministre d’Etat belge et de tentative d’assassinat de la compagne de ce dernier, et condamné en janvier 2004 à une peine d’emprisonnement de 20 ans, se plaignait du fait qu'il n'a pu à aucun moment de la procédure interroger ou faire interroger le témoin anonyme, dont les déclarations ont été déterminantes pour aboutir à sa condamnation et, qu'en toute hypothèse, il était impossible de savoir si tel était le cas dès lors que le verdict de culpabilité rendu par les jurés n'était pas motivé. Le requérant se plaint aussi du refus de la cour d'assises d'entendre ou de ré-entendre certains témoins. N'ayant pu interroger ou faire interroger le témoin anonyme à aucun stade de la procédure et compte tenu de l'absence de contrôle de la fiabilité de ce témoignage par un juge d'instruction, les craintes du requérant, quant à l'utilisation faite des déclarations du témoin, peuvent être considérées comme justifiées.

Dans ces conditions, la Cour estime que la procédure devant la cour d'assises en l'espèce, considérée dans sa globalité et sa particularité, a été préjudiciable à l'exercice des droits de la défense du requérant. Ce dernier n'a donc pas bénéficié d'un procès équitable.

Partant, il y a eu violation de l'article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention en ce que le requérant n'a pu à aucun moment de la procédure interroger ou faire interroger le témoin anonyme, dont les déclarations on été déterminantes pour aboutir à la condamnation. Le requérant La Cour conclut à l’unanimité à la violation de l’article 6 §§ 1 et 3 d).

 

Taxquet c. Belgique no 926/05 13/01/2009 Partiellement irrecevable ; Violation de l'art. 6-1 ; Violation de l'art. 6-1 et 6-3-d ; Préjudice moral - réparation ; Dommage matériel - demande rejetée  Jurisprudence antérieure :  A.M. c. Italie, no 37019/97, § 25, CEDH 1999-IX ; Askis et 106 autres c. Grèce, no 48229/99, 22 juin 2000 ; Bottazzi c. Italie [GC], no 34884/97, § 30, CEDH 1999-V ; Bricmont c. Belgique, arrêt du 7 juillet 1989, § 89, série A no 158 ; Budak et autres c. Turquie (déc.), no57345/00, 7 septembre 2004 ;Craxi c. Italie, no 34896/97, 5 décembre 2002 ; De Lorenzo c. Italie (déc.), no 69264/01, 12 février 2004 ; Deperrois c. France (déc.), no 48203/99, 22 juin 2000 ; Destrehem c. France, no 56651/00, 18 mai 2004 ; Doorson c. Pays-Bas du 26 mars 1996, § 69, Recueil 1996-II ; Entreprises Robert Delbrassine S.A. et autres c. Belgique, no 49204/99, § 35, 1er juillet 2004 ; Erich Priebke c. Italie (déc.), no 48799/99, 5 avril 2001 ; Garaudy c. France (déc.) no 65831/01, 24 juin 2003 ; Garcia Ruiz c. Espagne, no 30544/96, [GC], § 26, arrêt du 21 janvier 1999, CEDH 1999-I ; Gençel c. Turquie, no 53431/99, § 27, 23 octobre 2003 ; Goktepe c. Belgique, no 50372/99, 2 juin 2005 ; Helle c. Finlande du 19 décembre 1997, §§ 59-60, Recueil 1997-VIII ; Higgins et autres c. France du 19 février 1998, § 42, Recueil 1998-I ; Isgrò c. Italie, arrêt du 19 février 1991, § 34, série A no 194-A ; Kostovski c. Pays-Bas du 20 novembre 1989, § 44, série A no 166 ; Loewenguth c. France (déc.), no 53183/99, CEDH 2000-VI ; Lüdi c. Suisse, arrêt du 15 juin 1992, §§ 47, 49, série A no 238 ; Ocalan c. Turquie, [GC], no 46221/99, ECHR 2005-IV ; Papon c. France (déc.) no 54210/00, 15 novembre 2001 ; Pesti et Frodl c. Autriche (déc.), nos 27618/95 et 27619/95, CEDH 2000-I ; Ramos Ruiz c. Espagne (déc.), no 65892/01, 19 février 2002 ; Ruiz Torija et Hiro Balani c. Espagne du 9 décembre 1994, § 29 et § 27 respectivement, série A nos 303-A et 303-B ; Saïdi c. France, arrêt du 20 septembre 1993, §§ 43-44, série A no 261-C ; Samogyi c. Italie, no 67972/01, § 86, 18 mai 2004 ; Tahir Duran c. Turquie, no 40997/98, § 23, 29 janvier 2004 ; Van de Hurk c. Pays-Bas du 19 avril 1994, § 61, série A no 288 ; Van Geyseghem c. Belgique [GC], no 26103/95, CEDH 1999-I, § 27 ; Van Mechelen c. Pays-Bas, arrêt du 23 avril 1997, Recueil 1997-III ; Van Mechelen et autres c. Pays-Bas, arrêt du 23 avril 1997, §§ 50, 51, Recueil 1997-III ; Windisch c. Autriche du 27 septembre 1990, § 30, série A no 186 ; Zarouali c. Belgique, no 20664/92, décision de la Commission du 29 juin 1994, DR 78, p. 97 (L’arrêt n’existe qu’en français).

 

 

Les  dépositions du seul témoin – rétractées -  ont été déterminantes dans la qualification des actes imputés au requérant au point que les droits de la défense ont été restreints dans une mesure telle que l’équité de l’ensemble de la procédure s’en est trouvée compromise.

LOUTSENKO c. UKRAINE

18/12/2008

Violation de l'art. 6-1

 

Invoquant l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable), le requérant,  se plaignait d’avoir été condamné pour meurtre et possession illicite d’armes à feu sur la base de déclarations que son coaccusé, M. N.L., avait formulées lors de l’enquête préliminaire puis avait rétractées au motif qu’elles lui avaient été arrachées sous la contrainte.

La Cour observe en particulier que M. N.L. a livré les déclarations en question durant sa première audition en tant que témoin, alors qu’il était tenu de révéler toute information connue de lui sous peine de sanctions pénales et qu’il ne jouissait pas du droit, en vertu de la loi, de consulter un avocat. Par la suite, il avait rapidement retiré ses déclarations – puis s’en était toujours tenu à cette position –, affirmant qu’il les avait faites sous la contrainte. Bien que l’on n’ait pas autorisé de confrontation entre le premier requérant et M. N.L. lors d’une audience publique, les dépositions de ce dernier ont néanmoins été déterminantes dans la qualification des actes imputés au requérant. Partant, la Cour conclut que les droits de la défense ont été restreints dans une mesure telle que l’équité de l’ensemble de la procédure s’en est trouvée compromise, et elle dit à l’unanimité qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1.

 

Loutsenko c. Ukraine (no 30663/04) 18/12/2008  Partiellement irrecevable ; Violation de l'art. 6-1 ; Préjudice moral - réparation Jurisprudence : Artner c. Autriche, 28 août 1992, § 21, série A n° 242-A ; Asch c. Autriche, 26 avril 1991, §§ 25, 27, série A n° 203 ; Camilleri c. Malte (déc.), n° 51760/99, 16 mars 2000 ; Doorson c. Pays-Bas, 26 mars 1996, § 80, Recueil des arrêts et décisions 1996-II ; Jalloh c. Allemagne [GC], n° 54810/00, §§ 95, 96 et 100, CEDH 2006 ; Luca c. Italie, n° 33354/96, § 40, CEDH 2001-II ; Öcalan c. Turquie [GC], n° 46221/99, § 210 in fine, CEDH 2005-IV ; Popov c. Russie, n° 26853/04, § 263, 13 juillet 2006 ; Saunders c. Royaume-Uni, 17 décembre 1996, § 68, Recueil 1996-VI ; Schenk c. Suisse, 12 juillet 1988, § 46, série A n° 140 ; Skoubenko c. Ukraine (déc.), n° 41152/98, 6 avril 2004 ; Teixeira de Castro c. Portugal, 9 juin 1998, § 34, Recueil 1998-IV (L’arrêt n’existe qu’en anglais.)


 

 

Le requérant n’a pas eu la possibilité de vérifier comment l’enquêteur avait interrogé le témoin clé au procès  ni de faire poser des questions à ce témoin.

Aucune de ces dépositions ne fut non plus enregistrée sur bande vidéo.

VLADIMIR ROMANOV c. RUSSIE

24/07/2008

Violation de l'art. 3 (volets matériel et procédural) ; Violation de l'art. 6-1+6-3-d

 

Invoquant l’article 3 (interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants), le requérant alléguait qu’il avait été sévèrement battu par des gardiens du centre de détention provisoire dans lequel il était incarcéré et que les autorités n’avaient pas conduit d’enquête effective sur cette allégation. Il alléguait en outre n’avoir pas joui d’une possibilité suffisante d’être confronté notamment à l’un des témoins à charge lors de son procès ; il dénonçait une violation de l’article 6 §§ 1 et 3 d) (droit à un procès équitable).

Article 3

Quant aux mauvais traitements allégués

Les parties reconnaissent que les blessures du requérant, telles que constatées dans les rapports médicaux du dermatologue et de la clinique du centre de détention, lui ont été causées par des gardiens de cet établissement lorsqu’ils ont fait usage de la force contre lui, c’est-à-dire lorsqu’ils lui ont asséné des coups de matraques en caoutchouc.

La Cour admet que la loi sur les établissements pénitentiaires et la loi sur la détention provisoire constituaient une base légale pour l’emploi de matraques en caoutchouc dans le cas du requérant. Elle admet en outre que le recours à la force soit parfois nécessaire pour assurer la sécurité, maintenir l’ordre ou prévenir les infractions au sein des établissements pénitentiaires.

Cependant, la Cour ne voit absolument pas en quoi il était nécessaire d’utiliser des matraques en caoutchouc contre le requérant. En effet, les actions des gardiens furent largement disproportionnées par rapport à ce que l’on reprochait au requérant, c’est-à-dire un acte de désobéissance. Certes, peut-être était-il nécessaire aux gardiens de recourir à la force physique pour faire sortir les détenus de leur cellule, mais la Cour n’est pas convaincue que frapper ceux-ci à coups de matraque ait été adapté à la réalisation de cet objectif.

En outre, selon la Cour, il n’est pas établi que le requérant ait opposé une vive résistance aux gardiens. Il est étrange que les documents du centre de détention se soient contentés d’indiquer que des mesures spéciales avaient été prises contre le requérant, lequel ne figurait pas parmi les personnes qui avaient provoqué l’incident ou participé activement à celui-ci. C’est seulement dans le rapport publié par le parquet le 3 juillet 2001 que le rôle actif du requérant a été évoqué pour la première fois. Cette anomalie n’a pas été expliquée au cours des procédures judiciaires ultérieures, les tribunaux internes n’ayant pas examiné le degré de participation du requérant à l’incident.

Par ailleurs, le rapport du 3 juillet 2001, qui faisait état de blessures subies aux pieds par le requérant, confirme l’allégation de celui-ci selon laquelle des gardiens avaient continué de le frapper même lorsqu’il était à terre. Le Gouvernement n’a pas contesté cette allégation et n’a fourni aucune explication plausible sur l’origine de ces blessures.

En conclusion, la Cour estime que le requérant a été frappé à coups de matraques en caoutchouc à titre de représailles et, pis encore, alors même qu’il avait obéi à l’ordre lui enjoignant de quitter sa cellule et était tombé à terre. Cette violence punitive visait délibérément à susciter chez lui un sentiment de peur et d’humiliation et à briser sa résistance physique ou morale. Les blessures subies par le requérant lui ont causé de vives souffrances physiques et morales ainsi qu’un préjudice durable sur le plan de la santé. La Cour estime donc que le requérant a fait l’objet d’un traitement pouvant être qualifié de torture, et donc contraire à l’article 3.

Quant aux lacunes alléguées de l’enquête du parquet et de la procédure judiciaire

La Cour fait observer que, dans les affaires de mauvais traitements délibérés, une violation de l’article 3 ne peut être réparée par le simple octroi de dommages-intérêts à la victime car, si tel était le cas, l’Etat ne serait alors pas tenu de poursuivre et sanctionner les responsables et l’interdiction générale de la torture et des traitements inhumains ou dégradants serait inefficace en pratique.

Aussi la Cour décide-t-elle d’apprécier la volonté manifestée par les autorités de poursuivre les personnes responsables des mauvais traitements subis par le requérant.

En ce qui concerne la célérité de l’enquête, il a fallu trois jours à l’administration pénitentiaire pour signaler l’incident au parquet, un retard qui a pu se solder par la disparition de preuves.

Pour ce qui est de l’ampleur de l’enquête, le rapport d’enquête du 3 juillet 2001 se fondait sur trois rapports médicaux rédigés uniquement par des médecins de la prison qui n’ont guère donné de détails sur le plan médical et n’ont fait mention d’aucun des éléments sur lesquels reposent les griefs du requérant. De même, l’examen des preuves dans ce rapport est sélectif et incohérent, les conclusions étant surtout fondées sur les témoignages des gardiens, dont la crédibilité aurait dû par ailleurs être mise en doute. Il est en effet curieux que les détenus qui étaient les témoins oculaires des faits et auraient pu donner des renseignements utiles sur l’incident n’aient pu être identifiés. Le degré de la force employée par les gardiens et la nécessité ou la proportionnalité de celle-ci compte tenu des circonstances n’ont pas fait non plus l’objet d’une quelconque analyse dans ce rapport. Alors qu’il ne disposait pourtant d’aucune preuve de source indépendante, le parquet a conclu que l’agression du requérant par les gardiens était conforme à la loi au motif que celui-ci leur avait opposé une résistance physique.

Enfin, les tribunaux internes se sont contentés de reprendre les conclusions du rapport du 3 juillet 2001. Les témoins oculaires de l’incident, y compris le requérant lui-même et les gardiens qui l’avaient battu, n’ont jamais été interrogés en personne. La Cour constate avec étonnement en particulier que les tribunaux ont octroyé au requérant des dommages-et-intérêts au seul motif que le centre de détention provisoire avait exercé un contrôle insuffisant sur ses gardiens.

Du fait de ces lacunes, la Cour estime que la réaction des autorités russes devant un cas grave de mauvais traitement délibéré de la part de ses agents a été insuffisante et ineffective et que les mesures qu’elles ont prises n’ont pas fourni un redressement approprié au requérant, ce qui a emporté une autre violation de l’article 3.

Article 6 § 1 combiné avec l’article 6 § 3 d)

Pour la Cour, les dépositions faites par M. I au cours de l’instruction et lues au procès ont constituèrent la quasi-totalité des éléments de preuve directs et objectifs sur lesquels les tribunaux internes se sont fondés pour conclure à la culpabilité du requérant.

La Cour souligne notamment qu’il a été donné lecture des dépositions de M. I. à l’audience du 29 novembre 2001, soit seulement quelques jours avant qu’il eût été possible d’assurer la comparution de cette personne au procès, à son retour en Russie le 3 décembre 2001. Pour la Cour, ajourner pendant cinq jours une procédure dans le cadre de laquelle le requérant était accusé d’une infraction très grave passible d’une lourde peine d’emprisonnement n’aurait pas vraiment nui à la célérité de la procédure.

En outre, le requérant n’a pas eu la possibilité de vérifier comment l’enquêteur avait interrogé M. I en avril et en mai 2001 ni de faire poser des questions à ce témoin. Aucune de ces dépositions ne fut non plus enregistrée sur bande vidéo.

Constatant que rien n’a pu valablement remplacer l’observation par l’intéressé de la déposition d’un témoin clé au procès, la Cour conclut que le requérant n’a pas disposé d’une possibilité suffisante et adéquate de contester les déclarations de M. I. et que, partant, son procès n’a pas été équitable. Il y a donc eu violation de l’article 6 § 1, combiné avec l’article 6 § 3 d).

 

Vladimir Romanov c. Russie (requête no 41461/02). 24/07/2008

Jurisprudence antérieure  A.M. c. Italie, n° 37019/97, § 25, CEDH 1999-IX ; Accardi et autres c. Italie (déc.), n° 30598/02, CEDH 2005 ; Akdivar et autres c. Turquie, arrêt du 16 septembre 1996, Recueil 1996-IV, p. 1210, §§ 65-67, et p. 1211, § 69 ; Akkoç c. Turquie, nos. 22947/93 et 22948/93, § 55 et § 118, CEDH 2000-X ; Aksoy c. Turquie, arrêt du 18 décembre 1996, Recueil 1996-VI ; Aksoy c. Turquie, arrêt du 18 décembre 1996, Recueil 1996-VI, pp. 2275-76, §§ 51-52, , p. 2276, §§ 53-54, et p. 2279, § 64 ; Andandonskiy c. Russie, n° 24015/02, § 54, 28 septembre 2006 ; Artner c. Autriche, arrêt du 28 août 1992, série A n° 242-A, p. 10, § 21 in fine ; Asch c. Autriche, arrêt du 26 avril 1991, série A n° 203, p. 10, § 25 ; Assenov et autres c. Bulgarie, arrêt du 28 octobre 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-VIII, p. 3288, § 93, et § 102 et seq. ; Avsar c. Turquie [GC], n° 25657/94, § 377, CEDH 2001-VII ; Aydin c. Turquie, arrêt du 25 septembre 1997, Recueil 1997-VI, pp. 1891-92, §§ 83-84 et 86 ; B. c. Autriche, arrêt du 28 mars 1990, série A n° 175, pp. 14-16, §§ 36-39 ; Berisha c. Pays-Bas (déc.), n° 42965/98, 4 mai 2000 ; Bocos-Cuesta c. Pays-Bas, n° 54789/00, § 65, § 66, 10 novembre 2005 ; Bonev c. Bulgarie, n° 60018/00, § 40, 8 juin 2006, avec d'autres références ; Bricmont c. Belgique, arrêt du 7 juillet 1989, série A n° 158, p. 31, § 89 ; Chahal c. Royaume-Uni, arrêt du 15 novembre 1996, Recueil 1996-V, p. 1855, § 79 ; Delta c. France, arrêt du 19 décembre 1990, série A n° 191-A, p. 16, § 37 ; Dikme c. Turquie, n° 20869/92, §§ 94-96, CEDH 2000-VIII ; Dzhavadov c. Russie, n° 30160/04, § 27, 27 septembre 2007 ; Edelmayer c. Autriche (déc.), n° 33979/96, 21 mars 2000 ; Gömi et autres c. Turquie, n° 35962/97, § 77, 21 décembre 2006 ; Gül c. Turquie, n° 22676/93, § 57, 14 décembre 2000 ; Haas c. Allemagne (déc.), n° 73047/01, 17 novembre 2005 ; Irlande c. Royaume-Uni, arrêt du 18 janvier 1978, série A n° 25, pp. 64-65, § 161 ; Isgrò c. Italie, arrêt du 19 février 1991, série A n° 194-A ; Isgrò c. Italie, arrêt du 19 février 1991, série A n° 194-A, p. 12, § 34, and, p. 13, § 35 in fine ; Ivan Vasilev c. Bulgarie, n° 48130/99, § 63, 12 avril 2007, with further references ; Kelly et autres c. Royaume-Uni, n° 30054/96, § 105, 4 mai 2001 ; Klaas c. Allemagne, arrêt du 22 septembre 1993, série A n° 269, p. 17, § 29 ; Komanický c. Slovaquie, n° 32106/96, § 56, 4 juin 2002 ; Krastanov c. Bulgarie, n° 50222/99, § 53 et § 60, 30 septembre 2004 ; Kudla c. Pologne [GC], n° 30210/96, §§ 92-94, CEDH 2000-XI ; Labita c. Italie [GC], n° 26772/95, § 119 et § 147, CEDH 2000-IV ; Lucà c. Italie, n° 33354/96, §§ 40-43, CEDH 2001-II ; M. H. c. Royaume-Uni (n° 28572/95, décision de la Commission du 17 janvier 1997 ; Matko c. Slovénie, n° 43393/98, § 100, 2 novembre 2006 ; Menesheva c. Russie, n° 59261/00, §§ 60-62, CEDH 2006 ; Eglise métropolitaine de Bessarabie et autres c. Moldova (déc.), n° 45701/99, 7 juin 2001 ; Mikheyev c. Russie, n° 77617/01, § 107 et seq., et § 135, 26 janvier 2006 ; Mouisel c. France, n° 67263/01, § 40, CEDH 2002-IX ; Necdet Bulut c. Turquie, n° 77092/01, § 33, 20 novembre 2007 ; Nikolova et Velichkova c. Bulgarie, n° 7888/03, § 56 et § 64, 20 décembre 2007 ; Öcalan c. Turquie [GC], n° 46221/99, § 210 in fine, CEDH 2005-IV ; Ognyanova et Choban c. Bulgarie, n° 46317/99, § 99, 23 février 2006 ; Okkali c. Turquie, n° 52067/99, § 78, CEDH 2006 ; Popov c. Russie, n° 26853/04, § 264, 13 juillet 2006 ; Rachdad c. France, n° 71846/01, § 23 et §25, 13 novembre 2003 ; Ribitsch c. Autriche, arrêt du 4 décembre 1995, série A n° 336, §§ 32, 34 et 38 ; Saïdi c. France, arrêt du 20 septembre 1993, série A n° 261-C, p. 56, § 43 ; Salman c. Turquie [GC], n° 21986/93, § 83 et § 100, CEDH 2000-VII ; Sarban c. Moldova, n° 3456/05, § 77, 4 octobre 2005 ; Scordino c. Italie (n° 1) ([GC], n° 36813/97, CEDH 2006 ; Selmouni c. France [GC], n° 25803/94, §§ 78 et 79, 95, 105, CEDH 1999-V ; Sheydayev c. Russie, n° 65859/01, § 59, 7 décembre 2006 ; Skalka c. Pologne (déc.), n° 43425/98, 3 octobre 2002 ; Slyusarev c. Russie (déc.), n° 60333/00, 9 novembre 2006 ; Solakov c. Ex-république Yougoslave de Macédoine, n° 47023/99, § 57 in fine, CEDH 2001-X ; Tanrikulu c. Turquie [GC], n° 23763/94, § 79, CEDH 1999-IV ; Tarariyeva c. Russie, n° 4353/03, § 73, CEDH 2006 (extraits) ; Trubnikov c. Russie (déc.), n° 49790/99, 14 octobre 2003 ; Velikova c. Bulgarie, n° 41488/98, § 89, CEDH 2000-VI ; Vozhigov c. Russie, n° 5953/02, § 57, 26 avril 2007 ; Yasa c. Turquie, arrêt du 2 septembre 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-VI, p. 2431, § 74 ; Zelilof c. Grèce, n° 17060/03, § 47, 24 mai 2007

 

 Les  juridictions nationales ont amplement cité les conclusions des experts, qui ont joué un rôle essentiel dans la procédure dirigée contre l’intéressée, mais celle-ci n’a pas pu interroger les experts, ce qui aurait permis de contrôler leur crédibilité ou de remettre en cause leurs conclusions.

Le refus de faire droit à sa demande visant à interroger les experts en public a porté atteinte aux droits garantis par l’article 6 § 1 de la Convention.

Balsyte-Lideikiene c. Lituanie

04.11.2008

Violation de l’article 6 § 1 (équité)

Non-violation de l’article 10

 

La requérante était propriétaire d’une maison d’édition.En mars 2001, les juridictions internes jugèrent qu’elle avait violé l’article 21412 du code des infractions administratives en publiant et en distribuant le « calendrier lituanien 2000 » qui, selon les conclusions des experts, incitait à la haine ethnique. Elle se vit délivrer un avertissement administratif, et les exemplaires invendus du calendrier furent confisqués. Invoquant l’article 6 §§ 1 et 3 d) (droit à un procès équitable) de la Convention européenne des droits de l’homme, la requérante se plaignait que les experts n’aient pas été convoqués à l’audience lors de l’examen de son affaire en première instance, et qu’en appel, la Cour suprême administrative n’ait pas tenu d’audience. Elle dénonçait également la confiscation du calendrier et l’interdiction de continuer à le distribuer, alléguant une violation de l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention.

La Cour européenne des droits de l’homme observe que la juridiction de première instance a chargé des experts d’établir des rapports en science politique et des rapports bibliographiques, psychologiques et historiques dans le but de déterminer si le « calendrier lituanien 2000 » incitait à la haine ethnique et s’il contenait des expressions antisémites, anti-polonaises et anti-russes ou des affirmations de la supériorité des Lituaniens par rapport à d’autres groupes ethniques. La Cour note que lorsqu’elles ont reconnu Mme Balsyte-Lideikiene coupable, les deux juridictions nationales ont amplement cité les conclusions des experts, qui ont joué un rôle essentiel dans la procédure dirigée contre l’intéressée, mais que celle-ci n’a pas pu interroger les experts, ce qui aurait permis de contrôler leur crédibilité ou de remettre en cause leurs conclusions. Le refus de faire droit à sa demande visant à interroger les experts en public a porté atteinte aux droits garantis par l’article 6 § 1 de la Convention. Pour ce motif, la Cour conclut par six voix contre une à la violation dudit article. Elle considère qu’il n’y a pas lieu d’examiner séparément la question de l’absence d’audience publique devant la Cour suprême administrative, et octroie à la requérante 2 000 euros (EUR) pour préjudice moral et 1 645 EUR pour frais et dépens.

La Cour considère par ailleurs que la sanction administrative et la confiscation de la publication ont constitué une ingérence dans le droit à la liberté d’expression de Mme Balsyte-Lideikiene, mais qu’elles visaient à protéger la réputation et les droits des groupes ethniques de Lituanie visés par le « calendrier lituanien 2000 ».

Le gouvernement lituanien a expliqué, quant au contexte de l’affaire, que les questions de l’intégrité territoriale et des minorités nationales sont un sujet sensible depuis le rétablissement de l’indépendance de la République de Lituanie, le 11 mars 1990. La Cour en tient compte. Elle note également que la publication a été mal accueillie par certaines représentations diplomatiques et qu’en vertu du droit international, la Lituanie a l’obligation d’interdire toute incitation à la haine nationale et de prendre des mesures pour protéger ceux qui pourraient faire l’objet de telles menaces en raison de leur appartenance ethnique.

La Cour considère que la requérante a exprimé un nationalisme et un ethnocentrisme agressifs ainsi que des affirmations incitant à la haine des Polonais et des juifs, éléments qu’elle juge de nature à préoccuper gravement les autorités lituaniennes. Eu égard à la marge d’appréciation laissée aux Etats contractants en pareilles circonstances, la Cour considère qu’en l’espèce, les autorités internes ne sont pas allées au-delà de leur marge d’appréciation lorsqu’elles ont considéré qu’il y avait un besoin social impérieux de prendre des mesures contre la requérante.

Enfin, la Cour note que même si la mesure de confiscation prise contre la requérante pourrait être considérée comme relativement grave, les juridictions internes ne lui ont pas infligé une amende, mais un simple avertissement, c’est-à-dire la sanction administrative la moins sévère.

A la lumière de ce qui précède, la Cour conclut que l’ingérence dans le droit à la liberté d’expression de la requérante pouvait raisonnablement être considérée comme nécessaire, dans une société démocratique, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui. Elle conclut donc, à l’unanimité, à l’absence de violation de l’article 10. (L’arrêt n’existe qu’en anglais.)

 

Balsyte-Lideikiene c. Lituanie  Jurisprudence antérieure : : Artico c. Italie, arrêt du 13 mai 1980, série A n° 37, p. 15, § 32 ; Barfod c. Danemark, arrêt du 22 février 1989, série A n° 149, p. 12, § 28 ; Ceylan c. Turquie [GC], n° 23556/94, § 37, CEDH 1999-IV ; Colozza et Rubinat c. Italie, arrêt du 12 février 1985, série A n° 89, p. 14, § 26 ; Doorson c. Pays-Bas, arrêt du 26 mars 1996, Recueil 1996-II, § 66 ; Engel et autres c. Pays-Bas, arrêt du 8 juin 1976, série A n° 22, § 82 ; Ezeh et Connors c. Royaume-Uni [GC], nos 39665/98 et 40086/98, §§ 86, 120, CEDH 2003-X ; Fressoz et Roire c. France [GC], n° 29183/95, § 45, CEDH 1999-I ; Goddi c. Italie, arrêt du 9 avril 1984, série A n° 76, p. 11, § 28 ; Handyside c. Royaume-Uni, 7 décembre 1976, § 49, série A n° 24 ; Incal c. Turquie, arrêt du 9 juin 1998, Recueil 1998-IV, pp. 1567-68, § 54 ; Isgrò c. Italie, arrêt du 19 février 1991, série A n° 194-A, p. 12, § 34 ; Janowski c. Pologne [GC], n° 25716/94, § 30, CEDH 1999-IJersild c. Danemark, arrêt du 23 septembre 1994, série A n° 298, §§ 31, 35, 37 ; Lauko c. Slovaquie, arrêt du 2 septembre 1998, Recueil 1998-VI, p. 2504, §§ 56-58 ; Lehideux et Isorni c. France, 23 septembre 1998, § 55, Recueil 1998-VII ; Lingens c. Autriche, arrêt du 8 juillet 1986, série A n° 103, §§ 39-41 ; Lüdi c. Suisse, arrêt du 15 juin 1992, série A n° 238, p. 21, § 47 ; News Verlags GmbH & CoKG c. Autriche, n° 31457/96, § 52, CEDH 2000-I ; Nilsen et Johnsen c. Norvège [GC], n° 23118/93, § 43, CEDH 1999-VIII ; Öztürk c. Allemagne, arrêt du 21 février 1984, série A n° 73, p. 19, § 52 ; Piermont c. France, 27 avril 1995, § 26, série A n° 314 ; Sadak et autres c. Turquie, nos 29900/96, 29901/96, 29902/96 et 29903/96, § 67, CEDH 2001-VIII ; Saïdi c. France, 20 septembre 1993, série A n° 261-C, §§ 43-44 ; Skalka c. Pologne, n° 43425/98, §§ 41-42, 27 mai 2003 ; Steel et Morris c. Royaume-Uni, n° 68416/01, § 87, CEDH 2005-II ; Tammer c. Estonie, n° 41205/98, § 69, CEDH 2001-I ; The Sunday Times c. Royaume-Uni (n° 1), arrêt du 26 avril 1979, série A n° 30, p. 38, § 62 ; Unterpertinger c. Autriche, 24 novembre 1986, série A n° 110, §§ 31-33 ; Van Mechelen et autres c. Pays-Bas, arrêt du 23 avril 1997, Recueil 1997-III, § 51 ; Wingrove c. Royaume-Uni, arrêt du 25 novembre 1996, Recueil 1996-V, pp. 1957-58, § 5

 

droit à uneaide auditive

 

 

OBLIGATIONS POSITIVES EXIGE PAR LES INTERETS DE LA JUSTICE AIDE AUDITIVE PROCEDURE CONTRADICTOIRE

TIMERGALIYEV c. RUSSIE

14/10/2008

Violation de l’article 6 § 1 combiné avec l’article 6 § 3 c)

 

Firdavis Favizovitch Timergaliyev, est un ressortissant russe et purgeant   peine d’emprisonnement dans la région de Sverdlovsk (Russie). Il invoquait l’article 6 §§ 1 et 3 c) (droit à un procès équitable).

La Cour dit, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 combiné avec l’article 6 § 3 c), le requérant n’ayant pas bénéficié d’une aide auditive et un avocat ne lui ayant pas été désigné pour l’audience d’appel. (L’arrêt n’existe qu’en anglais.)

 

Jurisprudence antérieure  : Barberà, Messegué et Jabardo c. Espagne, arrêt du 6 décembre 1988, série A n° 146, pp. 33-34, § 78 ; Belziuk c. Pologne, arrêt du 25 mars 1998, Recueil 1998-II, p. 570, § 37 ; Cekic et autres c. Croatie (déc.), n° 15085/02, 9 octobre 2003 ; Cuscani c. Royaume-Uni, n° 32771/96, §§ 38-40, 24 septembre 2002 ; Helmers c. Suède, arrêt du 29 octobre 1991, série A n° 212-A, p. 15, §§ 31-32 ; Issaïeva et autres c. Russie (déc.), nos 57947/00, 57948/00 et 57949/00, 19 décembre 2002 ; Khoudobine c. Russie, n° 59696/00, § 73, CEDH 2006 (extraits) ; Kucera c. Autriche, n° 40072/98, § 25, 3 octobre 2002 ; Labita c. Italie [GC], n° 26772/95, § 121, CEDH 2000-IV ; Liebreich c. Allemagne (déc.), n° 30443/03, 8 janvier 2008 ; Moïsseïev c. Russie (déc.), n° 62936/00, 9 décembre 2004 ; Nosov c. Russie (déc.), n° 30877/02, 20 octobre 2005 ; Padalov c. Bulgarie, n° 54784/00, §§ 54 et 55, 10 août 2006 ; Pobornikoff c. Autriche, n° 28501/95, § 24, 3 octobre 2000 ; S.C. c. Royaume-Uni, n° 60958/00, § 28, CEDH 2004-IV ; Selmouni c. France [GC], n° 25803/94, § 87, CEDH 1999-V ; Stanford c. Royaume-Uni, arrêt du 23 février 1994, série A n° 282-A, pp. 10-11, §§ 26 et 30 ; V. c. Royaume-Uni [GC], n° 24888/94, §§ 85, 89, 90, CEDH 1999-IX ; Vaudelle c. France, n° 35683/97, § 59, CEDH 2001-I.

 

 

droit à l'assistance d'un avocat

 

Pour que le droit à un procès équitable consacré par l’article 6 § 1 demeure suffisamment « concret et effectif », il faut, en règle générale, que l’accès à un avocat soit consenti dès le premier interrogatoire d’un suspect par la police, sauf à démontrer, à la lumière des circonstances particulières de l’espèce, qu’il existe des raisons impérieuses de restreindre ce droit

 

  GRANDE CHAMBRE 
SALDUZ c. TURQUIE

27.11.2008

violation de l’article 6 § 3 c)

combiné avec l’article 6 § 1  à raison du fait que le requérant n’a pu se faire assister d’un avocat pendant sa garde à vue 

violation de l’article 6 § 1

pour non-communication au requérant, devant la Cour de cassation, des conclusions écrites du procureur général.

 

Le requérant se plaint de s’être vu dénier l’accès à un avocat pendant sa garde à vue et de ne pas avoir reçu communication des conclusions du procureur général près la Cour de cassation.

Le 29 mai 2001, l’intéressé fut arrêté car il était soupçonné d’avoir participé à une manifestation non autorisée de soutien au chef emprisonné du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan, organisation illégale). On lui reprochait également d’avoir accroché une banderole illégale sur un pont.

Le 30 mai 2001, les policiers recueillirent une déposition du requérant en l’absence d’un avocat, dans laquelle l’intéressé se reconnaissait coupable d’avoir participé à la manifestation et admettait avoir écrit l’inscription figurant sur la banderole. Le requérant rétracta par la suite les déclarations qu’il avait faites devant la police, affirmant qu’elles lui avaient été extorquées sous la contrainte. Le juge d’instruction ordonna le placement de l’intéressé en détention provisoire, lequel eut alors la possibilité de bénéficier d’un avocat.

Devant la cour de sûreté de l’Etat d’İzmir, le requérant démentit également le contenu de sa déposition faite devant la police, alléguant que celle-ci lui avait été extorquée sous la contrainte.

Le 5 décembre 2001, la cour de sûreté de l’Etat reconnut le requérant coupable d’avoir prêté aide et assistance au PKK et le condamna à quatre ans et six mois d’emprisonnement, peine qui fut ramenée à deux ans et demi d’emprisonnement compte tenu de ce que le requérant était âgé de moins de 18 ans à l’époque des faits.

Pour rendre sa décision, la cour de sûreté de l’Etat se fonda sur les déclarations que le requérant avait faites devant la police, devant le procureur et devant le juge d’instruction. Elle prit également en considération les dépositions faites par ses coaccusés devant le procureur et deux autres éléments. Elle conclut à l’authenticité des aveux faits par le requérant devant la police.

Le 27 mars 2002, le procureur général près la Cour de cassation soumit ses observations écrites à la haute juridiction. Il y concluait à la confirmation du jugement rendu par la cour de sûreté de l’Etat d’İzmir. Ces conclusions ne furent communiquées ni au requérant ni à son représentant. Le 10 juin 2002, la Cour de cassation débouta le requérant de son recours.

M. Salduz se plaignait de ce que, poursuivi au pénal, il s’était vu refuser l’assistance d’un avocat pendant sa garde à vue et n’avait pas obtenu, au stade ultime, devant la Cour de cassation, de la procédure, communication des conclusions écrites du procureur général près cette juridiction. Il y voyait une violation des droits de la défense. Il invoquait l’article 6 §§ 1 et 3 c) de la Convention européenne des droits de l’homme.

Décision de la Cour

Concernant l’accès à un avocat pendant la garde à vue

La Cour estime que, pour que le droit à un procès équitable consacré par l’article 6 § 1 demeure suffisamment « concret et effectif », il faut, en règle générale, que l’accès à un avocat soit consenti dès le premier interrogatoire d’un suspect par la police, sauf à démontrer, à la lumière des circonstances particulières de l’espèce, qu’il existe des raisons impérieuses de restreindre ce droit. Même lorsque des raisons impérieuses peuvent exceptionnellement justifier le refus de l’accès à un avocat, pareille restriction – quelle que soit sa justification – ne doit pas indûment préjudicier aux droits découlant pour l’accusé de l’article 6. Il est en principe porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense lorsque des déclarations incriminantes faites lors d’un interrogatoire de police subi sans assistance possible d’un avocat sont utilisées pour fonder une condamnation.

Pour justifier le refus au requérant de l’accès à un avocat, le gouvernement turc s’est borné à dire qu’il s’agissait de l’application sur une base systématique des dispositions légales pertinentes. En soi, cela suffit déjà à faire conclure à un manquement aux exigences de l’article 6 à cet égard.

La Cour observe par ailleurs notamment que la cour de sûreté de l’Etat a fait de la déposition livrée à la police par l’intéressé la preuve essentielle justifiant sa condamnation, malgré la contestation par le requérant de son exactitude. Pour la Cour, il est clair que le requérant a été personnellement touché par les restrictions mises à la possibilité pour lui d’avoir accès à un avocat, puisque aussi bien sa déclaration à la police a servi à fonder sa condamnation. Ni l’assistance fournie ultérieurement par un avocat ni la nature contradictoire de la suite de la procédure n’ont pu porter remède au défaut survenu pendant la garde à vue.

La Cour relève enfin que l’un des éléments caractéristiques de la présente espèce était l’âge du requérant (17 ans). Renvoyant au nombre important d’instruments juridiques internationaux traitant de l’assistance juridique devant être octroyée aux mineurs en garde à vue, la Cour souligne l’importance fondamentale de la possibilité pour tout mineur placé en garde à vue d’avoir accès à un avocat pendant cette détention.

En résumé, la Cour estime que même si le requérant a eu l’occasion de contester les preuves à charge à son procès en première instance puis en appel, l’impossibilité pour lui de se faire assister par un avocat alors qu’il se trouvait en garde à vue a irrémédiablement nui à ses droits de la défense. Il y a donc eu violation de l’article 6 § 3 c) combiné avec l’article 6 § 1.

Concernant la non-communication des conclusions écrites du procureur général près la Cour de cassation

Pour les motifs indiqués par la chambre dans son arrêt du 26 avril 2007, la Cour considère que le droit du requérant à une procédure contradictoire a été enfreint. Il y a donc eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

La Cour conclut, à l’unanimité :

·     - à la violation de l’article 6 § 3 c) (droit à l’assistance d’un avocat) de la Convention européenne des droits de l’homme combiné avec l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable) à raison du fait que le requérant n’a pu se faire assister d’un avocat pendant sa garde à vue ;

·     - à la violation de l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable) de la Convention à raison de la non-communication au requérant, devant la Cour de cassation, des conclusions écrites du procureur général.

Sur l’application de l’article 41 (satisfaction équitable) de la Convention, la Cour estime que la forme la plus appropriée de redressement serait, pourvu que le requérant le demande, un nouveau procès, conforme aux exigences de l’article 6 § 1 de la Convention. Quant au reste, elle alloue au requérant 2 000 euros (EUR) pour dommage moral. Elle accorde 1 000 EUR pour frais et dépens. (L’arrêt existe en français et en anglais.)

Le juge Bratza a exprimé une opinion concordante. Les juges Rozakis, Spielmann, Ziemele et Lazarova Trajkovska ont exprimé une opinion concordante et le juge Zagrebelsky a exprimé une opinion concordante à laquelle se rallient les juges Casadevall et Türmen.

 

SALDUZ c. TURQUIE Jurisprudence antérieure : : Beyeler c. Italie (satisfaction équitable) [GC], no 33202/96, § 27, 28 mai 2002 ; Brennan c. Royaume-Uni, no 39846/98, § 45, CEDH 2001-X ; Can c. Autriche, no 9300/81, rapport de la Commission du 12 juillet 1984, § 50, série A no 96 ; Colozza c. Italie, 12 février 1985, § 28, série A no 89 ; Demebukov c. Bulgarie, no 68020/01, § 50, 28 février 2008 ; Gençel c. Turquie, no 53431/99, § 27, 23 octobre 2003 ; Imbrioscia c. Suisse, 24 novembre 1993, §§ 36, 37 et 38, série A no 275 ; Jalloh c. Allemagne [GC], no 54810/00, § 100 et § 101, CEDH 2006 ; Jelicic c. Bosnie Herzégovine, no 41183/02, § 53, CEDH 2006 ; John Murray c. Royaume-Uni, 8 février 1996, § 63, Recueil des arrêts et décisions 1996-I ; Kolu c. Turquie, no 35811/97, § 51 et § 53, 2 août 2005 ; Kwiatkowska c. Italie (déc.), no 52868/99, 30 novembre 2000 ; Mageec. Royaum-Uni, no 28135/95, § 44, CEDH 2000-VI ; Mehmet et Suna Yigit c. Turquie, no 52658/99, § 47, 17 juillet 2007 ; Poitrimol c. France, 23 novembre 1993, § 34, série A no 277-A ; Sahin c. Allemagne [GC], no 30943/96, § 105, CEDH 2003-VIII ; Sejdovic c. Italie [GC], no 56581/00, § 86, CEDH 2006 ; Teteriny c. Russie, no 11931/03, § 56, 30 juin 2005 Sources Externes : Recommandations du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, Rec (2003)20 du 24 septembre 2003 et R (87)20 du 17 septembre 1987 ; Article 37 de la Convention relative aux droits de l'enfant des Nations Unies ; Observation générale no 10 du Comité des droits de l'enfant des Nations Unies du 25 avril 2007 (CRG/C/CG/10) ; Observations finales du Comité des droits de l'enfant des Nations Unies : Turquie, 09/07/2001 (CRC/C/15/Add.152.)

 

Présomption d'innocence

 .

Le raisonnement de la chambre de l’accusation opère une distinction, artificielle, entre un constat de culpabilité et un constat de perpétration « objective » d’une infraction, est assimilable à une déclaration de culpabilité

 

PARAPONIARIS c. GRECE

25/09/2008

Violation de l’article 6 §§ 1 et 3 c)

Violation de l’article 6 § 2

 

Pompiste de profession, M. Paraponiaris fut poursuivi pour contrebande de produits pétroliers. Le requérant se plaignait de la décision de la chambre d’accusation, qui, tout en mettant fin aux poursuites pénales pour cause de prescription, lui infligea une « sanction pécuniaire » d’environ 54 086 euros au motif qu’il avait été « objectivement constaté qu’ [il] avait commis l’infraction de contrebande ». L’intéressé invoquait l’article 6 §§ 1, 2 et 3 c) la Convention.

La Cour considère que la chambre d’accusation n’a pas assuré au requérant des garanties complètes au regard des exigences du procès équitable et du respect des droits de la défense, relevant notamment que le requérant se vit infliger la sanction pécuniaire en cause à l’issue d’une audience qui n’était pas publique et au cours de laquelle celui-ci n’était ni présent ni représenté. Partant, elle conclut à l’unanimité à la violation de l’article 6 §§ 1 et 3 c).Par ailleurs, la Cour considère que les termes utilisés par la chambre de l’accusation opèrent une distinction, à ses yeux artificielle, entre un constat de culpabilité et un constat de perpétration « objective » d’une infraction. Le raisonnement de la chambre de l’accusation est assimilable à une déclaration de culpabilité et donc incompatible avec le respect de la présomption d’innocence. La Cour conclut également à la violation de l’article 6 § 2. (Arrêt en français.)

 

Paraponiaris c. Grèce 25 septembre 2008 Jurisprudence antérieure : Belilos c. Suisse, arrêt du 29 avril 1988, série A n° 132, § 64 ; Daktaras c. Lituanie, n° 42095/98, § 44, CEDH 2000-X ; Donadzé c. Géorgie, n° 74644/01, §§ 30-31, 7 mars 2006 ; García Ruiz c. Espagne [GC], n° 30544/96, § 28, CEDH 1999-I ; Kemmache c. France (n° 3), arrêt du 24 novembre 1994, série A n° 296-C, § 44 ; Krombach c. France, n° 29731/96, § 82, CEDH 2001-II ; Le Compte, Van Leuven et De Meyere, arrêt du 23 juin 1981, série A n° 43, §§ 55-58 ; Puig Panella c. Espagne, n° 1483/02, § 51, 25 avril 2006 ; Rushiti c. Autriche, n° 28389/95, § 31, 21 mars 2000 ; Sekanina c. Autriche, arrêt du 25 août 1993, série A n° 266-A, § 30 ; Stavropoulos c. Grèce, n° 35522/04, § 29, 27 septembre 2007 ; Van de Hurk c. Pays-Bas, arrêt du 19 avril 1994, série A n° 288, § 45 ; Van Geyseghem c. Belgique [GC], n° 26103/95, § 27, CEDH 1999-I

 

La déclaration du procureur peut en l’espèce être perçue comme une déclaration officielle affirmant la culpabilité du requérant alors que celle-ci n’avait pas encore été légalement établie

VITAN c. ROUMANIE

25/03/2008

Non-violation de l’article 6 §§ 1 et 3

Violation de l’article 6 § 2

Violation de l’article 8

 

Soupçonné de trafic d’influence, et ce alors qu’il exerçait les fonctions d’officier d’information dans le Service indépendant de protection et de lutte anticorruption, l’intéressé fut placé en détention provisoire en décembre 2000 puis condamné à quatre ans d’emprisonnement en novembre 2001. Le procureur chargé de l’enquête pénale avait affirmé, lors d’une conférence de presse tenue le 19 décembre 2000, qu’il était coupable. Le requérant se plaignait des mauvaises conditions de sa détention, de la violation du secret de sa correspondance en prison et de la méconnaissance des droits de la défense ainsi que de la présomption d’innocence. Il invoquait l’article 6 §§ 1 (droit à un procès équitable), 2 (présomption d’innocence) et 3 (droit à un procès équitable), ainsi que l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention.

La Cour dit à l’unanimité que le requérant n’a pas été empêché d’exercer librement ses droits de la défense et conclut à la non-violation de l’article 6 §§ 1 et 3. Par ailleurs, elle estime que la déclaration du procureur peut en l’espèce être perçue comme une déclaration officielle affirmant la culpabilité du requérant alors que celle-ci n’avait pas encore été légalement établie, en violation de l’article 6 § 2. Concernant l’ingérence dans le droit du requérant au respect de sa correspondance, la Cour estime qu’elle n’était pas « prévue par la loi » et conclut à l’unanimité à la violation de l’article 8. Elle alloue à M. Vitan 2 000 EUR pour dommage moral et 200 EUR pour frais et dépens.

 

Vitan c. Roumanie (n° 42084/02)

Non-violation de l'art. 6-1+6-3; Violation de l'art. 6-2 ; Exception préliminaire concernant le grief sous l'art. 8 jointe au fond et rejetée (non-épuisement) ; Violation de l'art. 8 ; Partiellement irrecevable ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice moral - réparation pécuniaire

Articles 6-1 ; 6-2 ; 6-3; 6-3-c ; 8 ; 29-3 ; 35-1 ; 41 Droit en Cause Article 38 de la loi no 51/1995 sur l'organisation et le fonctionnement de la profession d'avocat ; l'article 10 du statut de la profession d'avocat ; Code de la procédure pénale - les articles 278, 284, 465 et 467 ; les articles 278, IX et XI ; les articles 17, 23, 24, 30 et 31 de la loi no. 54/1993 sur l'organisation des tribunaux et des parquets miliaires ; les articles 17 et 20 de la loi no. 23/1969 sur l'exécution des peines ; l'article 89 de la loi no. 80/1995 sur le statut des cadres militaires

Jurisprudence antérieure :  Allenet de Ribemont, c. France, arrêt du 10 février 1995, série A no 308, §§ 35, 38 ; B. c. Autriche, arrêt du 28 mars 1990, série A no 175, p. 14, § 36 ; Barbu Anghelescu c. Roumanie, no 46430/99, § 67, 5 octobre 2004 ; Bursuc c. Roumanie, no 42066/98, § 107, 12 octobre 2004 ; Calogero Diana c. Italie, arrêt du 15 novembre 1996, Recueil 1996-V, p. 1775, § 28 ; Cotlet c. Roumanie, no 38565/97, §§ 35, 45, 3 juin 2003 ; Craxi c. Italie (no 1), no 34896/97, § 84, 5 décembre 2002 ; Croissant c. Allemagne, arrêt du 25 septembre 1992, série A, no 237-B, § 29 ; Daktaras c. Lituanie no 42095/98, §§ 41, 43, 44, CEDH 2000 X ; Doorson c. Pays-Bas, arrêt du 26 mars 1996, Recueil 1996 II, §§ 66, 67 ; F.A. c. Turquie (déc.), no 36094/97, 11 mai 1999 ; Minelli c. Suisse, arrêt du 25 mars 1983, série A no 62, pp. 16-17, § 32 ; Mujea c. Roumanie (déc.), no 44696/98, 10 septembre 2002 ; Negoescu c. Roumanie (déc.), no 55450/00, 17 mars 2005 ; Petra c. Roumanie, arrêt du 23 septembre 1998, Recueil 1998 VII, pp. 2853-2854, §§ 37 et 38 ; Rosengren c. Roumanie (déc.), no 70786/01, 27 avril 2004 ; Sadak et autres c. Turquie, nos 29900/96, 29901/96, 29902/96 et 29903/96, § 63, CEDH 2001-VIII ; Van Mechelen et autres c. Pays-Bas, arrêt du 23 avril 1997, Recueil 1997-III, p. 711, § 50 ; Wemhoff c. Allemagne, arrêt du 27 juin 1968, série A no 7, pp. 23-24, § 9 ; Y.B. et autres c. Turquie, nos 48173/99 et 48319/99, §§ 43-44, 28 octobre 2004 (L’arrêt n’existe qu’en français.)

 

 

Principe de la légalité des délits et des peines

pas de peine sans loi

L’article 7 de la Convention

 
La qualification de crime contre l’humanité

doit s'examiner au regard des normes pertinentes du droit international applicables à l’époque des faits.

GRANDE CHAMBRE 

KORBELY c. HONGRIE

19.09.2008

Violation de l’article 7

 

János Korbely assumait les fonctions d'officier-instructeur (tanfolyam-parancsnok) à l'école des élèves officiers de Tata lorsque la révolution hongroise éclata à Budapest, le 23 octobre 1956. En 1994, le parquet militaire de Budapest l'inculpa pour avoir commandé une escouade d’une quinzaine d’hommes qui avait reçu pour mission, le 26 octobre 1956, de reprendre le contrôle du commissariat de Tata, dont des insurgés s’étaient emparés, d’avoir fait feu sur des civils et d’avoir ordonné à ses hommes d’en faire autant. Plusieurs personnes furent tuées ou blessées lors de cet incident.

La chambre militaire du tribunal régional de Budapest prononça un non-lieu le 29 mai 1995, estimant que les crimes dont le requérant était accusé devaient être qualifiés non pas de crimes contre l’humanité, mais d’homicide et d’incitation à l’homicide et que ces infractions, à les supposer établies, étaient prescrites. Le parquet fit appel de cette décision, qui fut annulée par la chambre d’appel de la Cour suprême.

La chambre militaire du tribunal régional de Budapest, après réexamen de l’affaire, rendit un non-lieu, confirmé par la chambre d’appel de la Cour suprême. Après réexamen, ces décisions furent à leur tour annulées.

Le requérant fut en définitive reconnu coupable d'un homicide multiple constitutif d'un crime contre l'humanité et condamné à une peine d'emprisonnement de cinq ans. Les juges se fondèrent sur l'article 3 § 1 de la Convention de Genève de 1949. M. Korbely commença à purger sa peine le 24 mars 2003 et bénéficia d’une libération conditionnelle le 31 mai 2005.

Invoquant notamment l’article 7 (pas de peine sans loi), le requérant alléguait avoir été condamné pour un acte qui ne constituait pas une infraction au moment où il avait été commis.

Article 7

Constatant qu’au moment où elle a été commise, l’action du requérant constituait une infraction définie avec suffisamment d’accessibilité, la Cour vérifie s’il était prévisible que l’acte pour lequel le requérant a été condamné serait qualifié de crime contre l’humanité. A cet égard, elle note que pour reconnaître le requérant coupable, les tribunaux hongrois se sont essentiellement fondés sur l’article 3 commun aux Conventions de Genève, dont les dispositions, selon la Cour constitutionnelle hongroise, qualifient les comportements qu’elles visent de « crimes contre l’humanité ».

La Cour est consciente qu'il n'entre pas dans ses attributions de tenter de se prononcer, par un argument d'autorité, sur la signification de la notion de « crime contre l'humanité » telle qu'on l'entendait en 1956. Il ne lui en faut pas moins rechercher, eu égard à l'état du droit international sur cette question à l'époque pertinente, si la condamnation du requérant pour cette infraction reposait sur une base suffisamment claire (Behrami et Behrami c. France (déc.) [GC], no 71412/01, et Saramati c. France, Allemagne et Norvège (déc.) [GC], no 78166/01 (affaires jointes), § 122, CEDH 2007-...).

La Cour observe que, selon la Cour constitutionnelle, « les actes définis par l'article 3 commun aux Conventions de Genève constituent des crimes contre l'humanité ». D'après la haute juridiction, cet article énumère « les exigences minimales que les Parties à un conflit sont tenues d'appliquer en tout temps et en tout lieu ».

La Cour constitutionnelle s'est également appuyée sur l'arrêt rendu par la Cour internationale de Justice en l'affaire Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique et sur le renvoi à l'article 3 commun opéré par le Secrétaire général des Nations unies dans un rapport sur le statut du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. Toutefois, la Cour observe que ces deux sources sont postérieures aux faits incriminés. Par ailleurs, elle note que les tribunaux internes ayant connu des poursuites dirigées contre le requérant n'ont invoqué aucun autre argument juridique à l'appui de leur conclusion selon laquelle l'acte litigieux s'analysait en un « crime contre l'humanité au sens de l'article 3 commun ». Il convient en outre de relever qu'aucune des sources citées par la Cour constitutionnelle ne qualifie l'un quelconque des actes énumérés à l'article 3 commun de crime contre l'humanité en tant que tel. D'ailleurs, à supposer que l'on puisse avancer qu'elles contiennent des indications allant dans ce sens, ni la Cour constitutionnelle ni aucun des tribunaux ayant jugé le requérant ne semblent avoir examiné leur pertinence au regard de la situation juridique qui se présentait en 1956. Au lieu de cela, les juridictions répressives se sont principalement attachées à rechercher si l'article 3 commun devait être appliqué isolément ou en combinaison avec le Protocole II. Pourtant, ce point ne concerne que la détermination des catégories de personnes protégées par l'article 3 commun et/ou le Protocole II ainsi que la question de savoir si la victime des tirs du requérant relevait de l'une de ces catégories. Il est sans effet sur la question de savoir si les actes interdits par l'article 3 commun doivent être considérés per se comme des crimes contre l'humanité.

A ce dernier égard, la Cour observe que les quatre principales définitions d'un crime contre l'humanité ont été énoncées respectivement à l'article 6 c) du Statut du Tribunal militaire international annexé à l'Accord de Londres du 8 août 1945, à l'article 5 du Statut du TPIY de 1993, à l'article 3 du Statut du TPIR de 1994 et à l'article 7 du Statut de la CPI de 1998 (paragraphe 51 ci-dessus). Le meurtre figure dans chacune d'elles au nombre des infractions pouvant être qualifiées de crimes contre l'humanité. Il s'ensuit que le meurtre, au sens de l'article 3 § 1 a) commun, pouvait servir de fondement à une condamnation pour un crime contre l'humanité commis en 1956. Cela étant, des critères supplémentaires devaient être remplis pour que cette qualification pût être retenue.

Les critères en question ne découlaient pas de l'article 3 commun mais des éléments de droit international constitutifs de la notion de crime contre l'humanité telle qu'on la concevait à l'époque pertinente. Dans la définition qu'il a été le premier à donner de cette notion, et qui était applicable en 1956, l'article 6 c) du Statut du tribunal militaire rattachait les crimes contre l'humanité à la guerre. Par ailleurs, certains auteurs estiment que l'existence d'une discrimination et d'une « persécution » dirigées contre un groupe particulier de personnes était un élément essentiel du crime contre l'humanité, cette notion postulant selon eux une certaine forme de pratique ou de politique étatique (voir Bassiouni, Crimes Against Humanity in International Criminal Law, Kluwer Law International 1999, p. 256). La Cour estime que l'un de ces critères, celui du rattachement ou de la connexité à un conflit armé, pouvait ne plus être pertinent en 1956 (voir Schwelb, Crimes against Humanity, British Yearbook of International Law, vol. 23, 1946, p. 211 ; Graven, Les crimes contre l'humanité, Recueil des cours de l'Académie de droit international de la Haye, 1950, t. 76, p. 467 ; et le projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité, Annuaire de la Commission du droit international, 1954, vol. I, p. 151).

Cependant, il apparaît que d'autres l'étaient encore, notamment le critère excluant de la catégorie des crimes contre l'humanité les actes sporadiques ou isolés pour ne retenir que ceux s'inscrivant dans le cadre d'une « pratique ou d'une politique étatique » ou d'une attaque massive et systématique contre la population civile (voir Berry, Keenan et Brown, Crimes against international law, Washington, DC, Public Affairs Press, 1950, pp. 113-122).

 La Cour relève que les juridictions internes n’ont pas vérifié si le meurtre satisfaisait aux autres conditions sans lesquelles il ne pouvait être qualifié de crime contre l’humanité. Dès lors, elle estime qu’il n’est pas certain que les éléments constitutifs du crime contre l’humanité aient été réunis dans la présente affaire. Pour condamner le requérant, les juges hongrois ont conclu que Tamás Kaszás tué lors des faits était un non-combattant aux fins de l’article 3 commun, dont la protection s’étend notamment aux « personnes qui ne participent pas directement aux hostilités, y compris les membres de forces armées qui ont déposé les armes ».

Tamás Kaszás était le chef d’un groupe d’insurgés armés qui avaient pris le contrôle du bâtiment abritant les services de police et s’étaient emparés des armes d’agents de police après avoir commis d’autres actes violents. Il avait donc directement participé aux hostilités. La Cour attache une importance capitale au fait que les tribunaux hongrois ont constaté qu’il dissimulait sur lui un pistolet, ce dont il n’avait pas averti le requérant lors de leur confrontation. Il n’a pas manifesté clairement son intention de se rendre une fois que l’on eut découvert qu’il était armé. Au lieu de cela, il avait commencé à se quereller violemment avec le requérant, puis s’était emparé de son pistolet sans indiquer quelles étaient ses intentions, geste qui, précisément, déclencha les tirs dont il fut victime. Eu égard aux principes de droit international communément admis à l’époque pertinente, la Cour n’a pas la conviction que Tamás Kaszás pût passer pour avoir déposé les armes aux fins de l’article 3 commun. Enfin, la Cour ne retient pas l’argument du Gouvernement selon lequel le requérant a été condamné principalement pour avoir tiré et ordonné à autrui de tirer sur un groupe de civils et non pour la manière dont il avait réagi lorsque Tamás Kaszás avait saisi son arme.

En conséquence, la Cour considère que Tamás Kaszás ne relevait d’aucune des catégories de non-combattants protégées par l’article 3 commun. Dès lors, cette disposition ne pouvait raisonnablement servir de fondement à une condamnation pour crime contre l’humanité en l’espèce au regard des normes pertinentes du droit international applicables à l’époque des faits. La Cour conclut par onze voix contre six, qu’il y a eu violation de l’article 7. et n’estime pas nécessaire, en l’espèce, d’examiner le grief relatif à l’équité de la procédure.(L’arrêt existe en français et en anglais.)

 

 Korbely c. HONGRIE 19 septembre 2008 Opinion dissidente : Lorenzen, Tulkens, Zagrebelsky, Fura-Sandström et Popović ( opinion dissidente commune) et le juge Loucaides. Jurisprudence : Behrami et Behrami c. France (déc.) [GC], n° 71412/01 ; C.R. c. Royaume-Uni, arrêt du 22 novembre 1995, série A n° 335-C, pp. 68-69, §§ 32-34 ; Jorgic c. Allemagne, n° 74613/01, §§ 100-101, 12 juillet 2007 ; Pélissier et Sassi c. France [GC], n° 25444/94, § 67, CEDH 1999-II ; S.W. c. Royaume-Uni, arrêt du 22 novembre 1995, série A n° 335-B, pp. 41-42, §§ 34-36 ; Saramati c. France, Allemagne et Norvège (déc.) [GC], n° 78166/01 (jointe), § 122, CEDH 2007 ; Streletz, Kessler et Krenz c. Allemagne [GC], nos 34044/96, 35532/97 et 44801/98, § 50, CEDH 2001-II ; Waite et Kennedy c. Allemagne [GC], n° 26083/94, § 54, CEDH 1999-I Sources Externes : Article 3 de la Convention (IV) de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, adoptée le 12 août 1949 ; Article 1 du Protocole additionnel (II) aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux, adopté le 8 juin 1977 ; Article 41 § 2 du Protocole additionnel (I) aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux, adopté le 8 juin 1977 ; Article 6 c) du Statut du tribunal militaire international, annexé à l’Accord de Londres (8 août 1945) ; Article 5 du Statut du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie ; Article 3 du Statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda ; Article 7 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale ; Articles 1 et 2 de la Convention sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité

 

"NULLUM CRIMEN SINE LEGE"

 

KONONOV c. LETTONIE

24/07/2008

Violation de l’art. 7

 

L’affaire concernait la procédure engagée contre M. Kononov,  mobilisé comme soldat dans l’armée soviétique, pour des crimes de guerre alors que, le territoire letton était sous occupation allemande..  D’après les faits définitivement établis par les juridictions lettonnes compétentes, le requérant dirigea, le 27 mai 1944, un commando de partisans rouges, armés, portant des uniformes de soldats allemands pour ne pas éveiller les soupçons, qui mena une action de représailles dans le village de Mazie Bati dont certains habitants étaient soupçonnés d’avoir, auparavant, trahi et livré aux Allemands un autre groupe de partisans rouges. Les hommes du requérant firent irruption dans six maisons. Après avoir trouvé, dans chacune de ces maisons, des armes  remises par l’administration militaire allemande, les partisans exécutèrent les six chefs de famille et mirent le feu à deux maisons. Au total, neuf villageois furent tués : six hommes et trois femmes, dont une en fin de grossesse.

D’après le requérant, toutes les victimes de l’attaque étaient des collaborateurs qui avaient livré aux Allemands un groupe de douze partisans (dont deux femmes et un nourrisson), environ trois mois plus tôt. Le requérant déclara que son peloton avait été chargé de ramener les responsables aux fins de leur jugement. Il n’avait pas dirigé l’opération et n’était pas entré dans le village.

Le  tribunal régional de Latgale acquitta le requérant des charges de crimes de guerre, mais le déclara coupable de brigandage.

La chambre des affaires pénales de la Cour suprême fit droit à l’appel du parquet, annula le jugement, et déclara le requérant coupable de crime de guerre au sens de l’article 68-3. Constatant que l’intéressé était âgé, infirme et inoffensif, la chambre le condamna à un an et huit mois d’emprisonnement ferme. Le requérant se pourvut vainement en cassation.

Le requérant soutenait en particulier que les actions qui lui étaient reprochées ne constituaient pas, au moment où elles avaient été commises, des infractions d’après le droit interne ou le droit international. Il dénonçait une violation de l’article 7 § 1 (pas de peine sans loi).

 

Article 7

La Cour précise qu’il ne lui appartient pas de se prononcer sur la responsabilité pénale individuelle du requérant, mais seulement d’examiner, sous l’angle de l’article 7 § 1, si, à la date du 27 mai 1944, les actions du requérant constituaient des infractions définies avec suffisamment d’accessibilité et de prévisibilité par le droit national ou international.

La Cour relève que les décisions des juridictions nationales sont presque totalement muettes sur l’implication personnelle directe du requérant dans les événements de Mazie Bati. Le seul fait réellement reproché au requérant par les juges lettons était d’avoir dirigé le commando qui effectua l’opération punitive du 27 mai 1944. Il lui faut donc rechercher si cette opération pouvait, en tant que telle, raisonnablement passer pour être contraire aux lois et coutumes de la guerre codifiées par la Convention de La Haye de 1907.

A cet égard, la Cour relève que même si l’opération n’avait pas eu lieu dans une situation de combat, elle fut exécutée, dans une zone d’hostilités à proximité de la ligne du front, dans un village où les partisans rouges et l’armée allemande s’étaient affrontés, dans une région occupée par l’Allemagne nazie et son armée, où il y avait une police auxiliaire lettonne au service des Allemands, des hommes de confiance armés et d’autres nommés pour dénoncer les partisans rouges.

Si rien n’atteste de l’appartenance des six hommes tués le 27 mai 1944 à la police auxiliaire lettonne, ceux-ci avaient reçu fusils et grenades des Allemands. Suite notamment à la trahison par des villageois de Mazie Bati d’un groupe de partisans rouges refugié sur leur territoire, ayant entraîné leur anéantissement par la Wehrmacht, le requérant et les autres partisans rouges pouvaient légitimement considérer ces paysans comme des collaborateurs de l’armée allemande. Dès lors, la Cour n’est pas convaincue que les six hommes tués pouvaient raisonnablement passer pour des « civils », et relève que cette notion n’est pas définie par le texte de La Haye de 1907. Pour qualifier de « civils » les victimes, la chambre des affaires pénales s’est appuyée sur une autre Convention, qui contient une présomption selon laquelle toute personne n’appartenant pas à l’une des catégories prédéfinies de combattants, ou faisant l’objet d’un doute sur ce point, doit être considérée comme « civile », mais ce texte, postérieur de plus de 30 ans aux événements litigieux, ne pouvait pas être appliqué rétroactivement, et rien ne donne à penser qu’une telle présomption était déjà reconnue en droit coutumier en 1944.

La Cour note ensuite que l’opération du 27 mai 1944 a revêtu un caractère sélectif, puisque dirigée contre six hommes précis bien identifiés, que l’on soupçonnait fortement de collaborer avec l’occupant nazi. Les partisans fouillèrent leurs maisons, et ce n’est qu’après avoir trouvé des fusils et des grenades remis par les Allemands – preuve tangible de leur collaboration – qu’ils les exécutèrent. En revanche, tous les autres villageois furent épargnés.

La Cour souligne que, dans leurs décisions, les juridictions lettonnes ont omis de procéder à une analyse détaillée et suffisamment approfondie du texte en cause, se contentant de renvoyer à certains de ses articles sans expliquer dans quelle mesure ils entraient en jeu dans le cas du requérant. En particulier, la chambre des affaires pénales a invoqué trois articles du règlement en question, qui interdisent « de tuer ou de blesser par trahison des individus appartenant à la nation ou à l’armée ennemie », des attaques contre « des villes, villages, habitations ou bâtiments qui ne sont pas défendus », et qui impose le respect de certains droits les plus fondamentaux. Or, en l’espèce, on est en présence d’une opération militaire ciblée ayant consisté en une exécution ponctuelle de collaborateurs armés par l’ennemi nazi, qui faisaient l’objet d’une suspicion légitime de représenter un danger pour les partisans rouges et dont les agissements avaient déjà causé la mort de leurs camarades, opération guère différente de celles effectuées à la même époque par les forces armées des Alliés et par les résistants locaux dans de nombreux pays européens occupés par l’Allemagne nazie.

Aux yeux de la Cour, il n’a pas été suffisamment démontré que l’attaque du 27 mai 1944 était, en tant que telle, contraire aux lois et aux coutumes de la guerre codifiées par le règlement annexé à la Convention de La Haye de 1907. Dès lors, en présence d’un raisonnement aussi sommaire de la part des tribunaux lettons, elle conclut qu’il n’existait en droit international aucune base juridique plausible pour condamner le requérant pour avoir dirigé le commando chargé de cette opération.

La Cour déplore aussi, s’agissant des trois femmes tuées à Mazie Bati, le caractère trop général et succinct de la motivation adoptée par les juridictions nationales, en ce qu’elle ne permet pas de répondre avec certitude aux questions essentielles de savoir si et dans quelle mesure elles avaient participé à la trahison du groupe de partisans rouges, et si leur exécution avait été initialement prévue par les partisans rouges ou s’il s’agissait plutôt d’un excès de pouvoir de la part de ces derniers.

La Cour envisage deux versions possibles. La première version consisterait à dire que les trois villageoises avaient leur part de culpabilité dans la trahison, et que leur exécution était, dès le début, incluse dans le plan de l’opération. Le Gouvernement n’a pas réfuté l’assertion du requérant selon laquelle notamment elles avaient fait le guet pendant que les hommes se rendaient au village voisin pour alerter la garnison allemande de la présence des partisans. Or, si cette version correspond à la vérité, force est à la Cour de conclure que les trois femmes avaient elles aussi abusé de leur statut de « personnes civiles » en fournissant une assistance réelle et concrète aux six hommes de Mazie Bati dans leur collaboration avec l’occupant nazi. Dans ces circonstances, le constat formulé au sujet des hommes exécutés lors de l’opération est, d’une manière générale, également applicable à ces trois femmes.

Selon une deuxième version, leur exécution n’aurait pas été initialement prévue par les hommes du requérant et leur commandement, et leur mort résulterait d’un excès de pouvoir. La Cour estime que ni cet excès ni l’opération militaire dans le cadre de laquelle il a été commis ne pouvaient raisonnablement passer pour une violation des lois et coutumes de la guerre codifiées par le règlement de La Haye. Dans cette hypothèse, la Cour admet que les actes commis par les membres du commando à l’encontre des trois femmes concernées pouvaient a priori s’analyser en crimes de droit commun, qui en tant que tels, doivent être examinés sous l’angle du droit interne applicable à l’époque.

A supposer que la mort des trois femmes de Mazie Bati soit effectivement résultée d’un excès de pouvoir de la part des partisans rouges, la Cour note, de même que pour les six hommes, que les décisions des juridictions lettonnes ne contiennent aucune indication quant à l’implication exacte du requérant dans leur exécution. Il n’a jamais été allégué que celui-ci ait lui-même tué ces villageoises, ou qu’il ait ordonné ou incité ses camarades à le faire.

La Cour considère, en toute hypothèse, quand bien même la condamnation du requérant aurait été fondée sur le droit interne, qu’elle était manifestement contraire aux exigences de l’article 7. En effet, à supposer que le requérant ait effectivement perpétré une ou plusieurs infractions de droit commun en 1944, celles-ci, par l’effet de la prescription, ne sont plus punissables depuis 1954, et il serait contraire au principe de prévisibilité de les sanctionner près d’un demi-siècle après qu’elles ne le sont plus.

Partant, la Cour conclut que, le 27 mai 1944, le requérant ne pouvait raisonnablement prévoir que ses actes constituaient un crime de guerre au sens des règles internationales de la guerre de l’époque ; il n’existait donc en droit international aucune base juridique plausible pour le condamner pour un tel crime. A supposer toutefois que le requérant ait commis une ou plusieurs infractions réprimées par le droit interne, ce droit ne pouvait pas non plus servir de base à sa condamnation en 2004. Il y a dès lors eu violation de l’article 7 de la Convention. (L’arrêt  en français, est disponible aussi en anglais.)

 

Kononov c. Lettonie (requête no 36376/04).

Jurisprudence  a/s Diena et Ozolinš c. Lettonie, n° 16657/03, § 66, 12 juillet 2007 ; Achour c. France [GC], n° 67335/01, § 41, 29 mars 2006 ; Behrami et Behrami c. France (déc.) [GC], n° 71412/01, et Saramati c. France, Allemagne et Norvège (déc.) [GC], n° 78166/01 (affaires jointes), § 122, CEDH 2007 ; Benham c. Royaume-Uni, arrêt du 10 juin 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-III, p. 753, § 41 ; Beyeler c. Italie (satisfaction équitable) [GC], n° 33202/96, § 27, 28 mai 2002 ; C.R. c. Royaume-Uni du 22 novembre 1995, série A n° 335-C, p. 68, § 32 ; Cantoni c. France, arrêt du 15 novembre 1996, Recueil 1996-V, p. 1627, § 29 ; Coëme et autres c. Belgique, nos 32492/96, 32547/96, 32548/96, 33209/96 et 33210/96, § 145 et al., CEDH 2000-VII ; D. c. Allemagne, n° 1169/61, décision de la Commission du 24 septembre 1963, Annuaire 6, p. 520 ; De Becker c. Belgique, n° 214/56, décision de la Commission du 9 juin 1958, Annuaire 2, p. 214 ; Foti et autres c. Italie, arrêt du 10 décembre 1982, série A n° 56, p. 15, § 44 ; Garaudy c. France (déc.), n° 65831/01, CEDH 2003-IX ; García Ruiz c. Espagne [GC], n° 30544/96, §§ 28-29, CEDH 1999-I ; Goussinski c. Russie, n° 70276/01, § 66, CEDH 2004-IV ; Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], n° 31107/96, § 54, CEDH 2000-XI ; K.-H.W. c. Allemagne [GC], n° 37201/97, § 84, CEDH 2001-II (extraits) ; Kadikis c. Lettonie (n° 2), n° 62393/00, § 67, 4 mai 2006 ; Lehideux et Isorni c. France, arrêt du 23 septembre 1998, Recueil 1998-VII, p. 2886, § 53 ; Marais c. France, n° 31159/96, décision de la Commission du 24 juin 1996, DR 86, p. 184 ; Naletilic c. Croatie (déc.), n° 51891/99, CEDH 2000-V ; Nikolova c. Bulgarie [GC], n° 31195/96, § 73, CEDH 1999-II ; Papon c. France (n° 2) (déc.), n° 54210/00, CEDH 2001-XII (extraits) ; Penart c. Estonie (déc.), n° 14685/04, 24 janvier 2006 ; Pessino c. France, n° 40403/02, § 33, 10 octobre 2006 ; Podkolzina c. Lettonie, n° 46726/99, § 49, CEDH 2002-II : Rehbock c. Slovénie, n° 29462/95, § 63, CEDH 2000-XII ; S.W. c. Royaume-Uni du 22 novembre 1995, série A n° 335-B, p. 41, § 34 ; Stubbings et autres c. Royaume-Uni, arrêt du 22 octobre 1996, Recueil 1996-IV, pp. 1502-1503, § 51 ; Svipsta c. Lettonie, n° 66820/01, § 170, CEDH 2006 ; Syssoyeva et autres c. Lettonie [GC], n° 60654/00, § 89, CEDH 2007 ; Tess c. Lettonie (déc.), n° 34854/02, 12 décembre 2002 ; Touvier c. France, n° 29420/95, décision de la Commission du 13 janvier 1997, Décisions et rapports (DR) 88, p. 148 ; Waite et Kennedy c. Allemagne [GC], n° 26083/94, § 54, CEDH 1999-I ; X. c. Autriche, n° 1852/63, décision de la Commission du 22 avril 1965, Annuaire 8, p. 198 ; X. c. Belgique, n° 268/57, décision de la Commission du 20 juillet 1957, Annuaire 1, p. 241 ; X. c. Belgique, n° 1028/61, décision de la Commission du 18 septembre 1961, Annuaire n° 4, p. 325 ; X. c. Norvège, n° 931/60, décision de la Commission du 30 mai 1961, Recueil des décisions de la Commission européenne des Droits de l’Homme n° 6, p. 41 ; Ždanoka c. Lettonie [GC], n° 58278/00, § 96, CEDH 2006

 

A l'époque où le requérant a commis l'infraction, le droit chypriote pertinent pris dans son ensemble n'était pas formulé avec suffisamment de précision pour permettre au requérant de discerner, à un degré raisonnable dans les circonstances, fût-ce en s'entourant au besoin de conseils éclairés, la portée de la peine de réclusion à perpétuité et les modalités de son exécution

 

  GRANDE CHAMBRE

KAFKARIS c. CHYPRE

12.02.2008

Violation de l’article 7

 

Le requérant purge actuellement une peine obligatoire de réclusion criminelle à perpétuité à la prison centrale de Nicosie.

L’affaire concerne en particulier le grief du requérant selon lequel les modifications apportées au règlement pénitentiaire et à la législation interne ont augmenté rétroactivement sa peine d’emprisonnement, qui est passée de 20 ans à une durée indéterminée.

Le 9 mars 1989, la cour d’assises de Limassol déclara le requérant coupable de trois chefs d’assassinat, en vertu du code pénal. Le lendemain, elle le condamna à la réclusion criminelle à perpétuité pour chacun de ces chefs. Il avait placé une bombe dans une voiture et l’avait fait exploser, provoquant la mort des occupants de celle-ci, un homme et ses deux jeunes enfants âgés de onze et treize ans.

Lors de l’audience devant la cour d’assises de Limassol consacrée à la peine, l’accusation invita la cour à se pencher sur le sens des termes « réclusion criminelle à perpétuité » dans le code pénal, et notamment à préciser si cette expression désignait un emprisonnement du condamné jusqu’à la fin de ses jours ou seulement pour une période de 20 ans, délai mentionné dans le règlement pénitentiaire général de 1981 et le règlement de 1987 portant modification du règlement pénitentiaire général (« le règlement »), adopté en vertu de l’article 4 de la loi sur la discipline pénitentiaire .

La cour d’assises déclara que les termes « réclusion criminelle à perpétuité » utilisés dans le code pénal désignaient un emprisonnement jusqu’à la fin des jours du condamné.

Cependant, le jour de son incarcération, le requérant se vit signifier par écrit par les autorités pénitentiaires que la date fixée pour sa libération était le 16 juillet 2002, sous réserve qu’il fasse preuve de bonne conduite et d’assiduité au travail pendant sa détention. Après qu’il eut commis une infraction disciplinaire, sa libération fut repoussée au 2 novembre 2002.

Le requérant fit appel de sa condamnation et fut débouté le 21 mai 1990 par la Cour suprême.

Le 9 octobre 1992, la Cour suprême déclara que le règlement était contraire à la Constitution et constituait un excès de pouvoir. Le 3 mai 1996 fut adoptée la loi de 1996 sur les prisons, qui abrogea et remplaça la loi sur la discipline pénitentiaire. L’article 12 de cette loi prévoit la possibilité d’une remise de peine pour bonne conduite et assiduité au travail, mais pas pour les détenus condamnés à la réclusion à perpétuité.

Le requérant ne fut pas libéré le 2 novembre 2002. En conséquence, le 8 janvier 2004, il saisit la Cour suprême d’une demande d’habeas corpus pour contester la régularité de sa détention. Il fut débouté et interjeta appel en vain.

Le requérant alléguait que sa condamnation à la peine perpétuelle obligatoire s’analysait en une peine d’emprisonnement incompressible, que son maintien en détention au-delà de la date fixée pour sa libération par les services pénitentiaires était illégal et que cela l’avait mis dans un état prolongé de désarroi et d’incertitude quant à son avenir. Il soutenait aussi avoir à subir une prolongation imprévisible de sa détention, qui était passée d’une durée déterminée de 20 ans à une durée indéterminée jusqu’à la fin de ses jours. Il invoquait les articles 3, 5 et 7 de la Convention.

Il se plaignait en outre, sous l’angle de l’article 14, que, tandis que la plupart des autres détenus purgeant des peines perpétuelles avaient été libérés au bout de 20 ans, il était pour sa part le détenu condamné à une peine perpétuelle incarcéré depuis le plus longtemps et que, en tant que condamné à une telle peine, il ne pouvait, en vertu de l’article 12 de la loi de 1996 sur les prisons, bénéficier d’une remise de peine.

Décision de la Cour

Article 3

La Cour observe que les détenus purgeant une peine perpétuelle à Chypre ont des perspectives limitées d'élargissement, tout aménagement de la peine relevant exclusivement du pouvoir discrétionnaire du Président sous réserve de l'assentiment de l'Attorney-General. Elle n'en estime pas pour autant qu'à Chypre les peines perpétuelles soient incompressibles, sans aucune possibilité de libération ; neuf détenus condamnés à la réclusion à perpétuité ont été libérés en 1993 et deux autres en 1997 et en 2005 respectivement. A l'exception de l'un d'eux, tous ces détenus purgeaient des peines perpétuelles obligatoires. De plus, un condamné à la réclusion à perpétuité peut obtenir le bénéfice des dispositions pertinentes à tout moment sans avoir à purger une période de sûreté. La Cour estime en conséquence que le requérant ne peut prétendre qu'il est privé de toute perspective de libération ni que son maintien en détention, fût-ce pour une longue durée, est en soi constitutif d'un traitement inhumain ou dégradant. Elle a néanmoins conscience des lacunes de la procédure existante et prend acte des mesures que l'Etat a adoptées récemment en vue d'introduire des réformes.

Par ailleurs, la Cour considère que, même si le changement de la législation applicable et l'anéantissement des espérances de libération nourries par l'intéressé n'ont pas manqué de causer à celui-ci une certaine angoisse, les sentiments ainsi provoqués n'ont pas dans les circonstances atteint le degré de gravité voulu pour tomber sous le coup de l'article 3. On ne peut dire que le requérant pouvait légitimement concevoir l'espoir sincère d'être libéré en novembre 2002. Outre la décision sans ambiguïté prononcée par la cour d'assises en 1989, les modifications qui ont été apportées au droit interne sont intervenues sur une période de quelque quatre ans, de 1992 à 1996, soit environ six ans avant la date de libération que les autorités pénitentiaires avaient indiquée au requérant. En conséquence, si espoir il y a eu de la part de celui-ci de bénéficier d'une libération anticipée, il a sans aucun doute diminué puisque les changements du droit interne ont fait apparaître clairement que l'intéressé purgerait la peine perpétuelle que lui avait infligée la cour d'assises.

Certes, une peine perpétuelle comme celle prononcée à l'encontre du requérant et purgée par lui sans indication d'une période de sûreté engendre par la force des choses une angoisse et une incertitude tenant à la vie carcérale, mais ce sont là des sentiments inhérents à la nature de la peine infligée et, compte tenu des perspectives d'élargissement que ménage le système en vigueur, ils ne permettent pas de conclure à un traitement inhumain et dégradant. La Cour estime dès lors qu'il n'y a pas violation de l’article 3.

Article 5 § 1

Lorsqu'elle a prononcé cette peine perpétuelle, la cour d'assises de Limassol a dit clairement que le requérant avait été condamné à la réclusion à perpétuité pour le reste de sa vie, comme le prévoit le code pénal, et non pour une durée de 20 ans. Dès lors, le fait que les autorités pénitentiaires aient par la suite indiqué au requérant une date de libération conditionnelle ne saurait avoir et n'a aucune incidence sur la peine de réclusion à perpétuité prononcée ni entacher d'illégalité la détention de l'intéressé postérieurement à la date ainsi indiquée. Il existe un lien de causalité clair et suffisant entre la condamnation et le maintien du requérant en détention. Il n'y a donc pas violation de l'article 5 § 1.

Article 7

Qualité de la loi applicable au moment des faits

La Cour relève que la reconnaissance de culpabilité et la peine du requérant avaient pour base légale le droit pénal applicable à l'époque des faits et la peine correspondait à celle que prévoyaient les dispositions pertinentes du code pénal. Elle recherche ensuite si, à l’époque considérée, le droit interne qui déterminait ce que la « peine » de réclusion à perpétuité impliquait réellement remplissait les conditions d'accessibilité et de prévisibilité.

Certes, lorsque le requérant commit l'infraction, le code pénal prévoyait clairement la peine de réclusion à perpétuité en cas d'assassinat, mais il est également clair qu'à ce moment-là tant les autorités exécutives que les autorités administratives partaient du principe que cette peine équivalait à vingt ans d'emprisonnement. Les autorités pénitentiaires appliquaient le règlement pénitentiaire, édicté en vertu de la loi sur la discipline pénitentiaire, d'après lequel tous les détenus, y compris les détenus condamnés à la réclusion à perpétuité, pouvaient prétendre à une remise de peine pour bonne conduite et assiduité au travail. A cette fin, l'article 2 du règlement précisait que « réclusion à perpétuité » signifiait 20 ans d'emprisonnement. Comme l'admet le Gouvernement, les autorités exécutives comme administratives, dont les services pénitentiaires, estimaient alors qu'il fallait entendre par là qu'une personne condamnée à la réclusion à perpétuité purgerait au maximum 20 ans d'emprisonnement.

La Cour conclut qu'à l'époque où le requérant a commis l'infraction, le droit chypriote pertinent pris dans son ensemble n'était pas formulé avec suffisamment de précision pour permettre au requérant de discerner, à un degré raisonnable dans les circonstances, fût-ce en s'entourant au besoin de conseils éclairés, la portée de la peine de réclusion à perpétuité et les modalités de son exécution. Il y a donc eu violation de l'article 7 de la Convention à cet égard.

Imposition rétroactive d’une peine plus forte et changements apportés au droit pénitentiaire

La Cour ne peut suivre le requérant lorsqu'il soutient qu'une peine plus forte lui a été imposée rétroactivement puisque, compte tenu des dispositions matérielles du code pénal, on ne saurait dire qu'à l'époque des faits, la peine de réclusion à perpétuité pouvait assurément s'entendre comme une peine de 20 ans d'emprisonnement.

Pour ce qui est du changement du droit pénitentiaire, la Cour relève que le requérant, condamné à la réclusion à perpétuité, ne peut plus prétendre à une remise de peine. Toutefois, cette question se rapporte à l'exécution de la peine et non à la « peine » imposée à l'intéressé, laquelle demeure celle de l'emprisonnement à vie.

Même si les changements apportés à la législation pénitentiaire et aux conditions de libération ont pu rendre l'emprisonnement du requérant en effet plus rigoureux, on ne peut y voir une mesure imposant une « peine » plus forte que celle infligée par la juridiction de jugement. Les questions relatives à l'existence, aux modalités d'exécution, ainsi qu'aux justifications d'un régime de libération, relèvent du pouvoir qu'ont les Etats membres de décider de leur politique criminelle. Partant, il n'y a pas eu violation de l'article 7 de la Convention en ce qui concerne l’imposition rétroactive alléguée d’une peine plus forte que la peine initiale infligée au requérant et les modifications apportées au droit pénitentiaire.

Article 14

En ce qui concerne la discrimination alléguée entre le requérant et les condamnés à la réclusion à perpétuité qui ont été libérés depuis 1993, la Cour relève que les condamnés à une peine perpétuelle, dont il est question, ont tous été libérés parce que le Président de la République avait commué leur peine puis la leur avait remise dans l'exercice de l'ample prérogative que lui confère l'article 53 § 4 de la Constitution, pouvoir discrétionnaire qu'il exerce au cas par cas. Dans le cas du requérant, la cour d'assises de Limassol a expressément indiqué comment il fallait entendre la peine de réclusion à perpétuité et elle a condamné l'intéressé à l'emprisonnement pour le reste de son existence. De plus, compte tenu en particulier du grand nombre d'éléments – telles la nature de l'infraction et la confiance du public dans le système de justice pénale – que le Président prend en considération dans l'exercice de ses pouvoirs discrétionnaires, la Cour ne saurait conclure que l'exercice de cette prérogative soulève une question sur le terrain de l'article 14.

Pour ce qui est de la discrimination alléguée entre le requérant, détenu à vie, et d’autres détenus, la Cour estime que, eu égard à la nature de la peine de réclusion à perpétuité, l'intéressé ne peut prétendre se trouver dans une situation analogue ou comparable en la matière à celle d'autres détenus qui ne purgent pas des peines perpétuelles.

La Cour conclut dès lors qu'il n'y a pas violation de l'article 14 de la Convention combiné avec les articles 3, 5 et 7.

La Cour conclut :

       - par dix voix contre sept, à la non-violation de l’article 3 de la Convention;

       - par seize voix contre une, à la non-violation de l’article 5 § 1;

       - par 15 voix contre deux, à la violation de l’article 7 pour ce qui est de la qualité de la loi applicable au moment des faits ;

       - par 16 voix contre une, à la non-violation de l’article 7 en ce qui concerne l’imposition rétroactive alléguée d’une peine plus forte que la peine initiale et le fait que les condamnés à une peine perpétuelle soient exclus du bénéfice d’une remise de peine ;

       - par 16 voix contre une, à la non-violation de l’article 14.

En application de l’article 41 de la Convention, la Cour dit à l’unanimité, que le constat d’une violation constitue en soi une satisfaction équitable suffisante pour le dommage moral éventuellement subi par M. Kafkaris, et alloue à l’intéressé 13 465 euros (EUR) pour frais et dépens. (L’arrêt existe en français et en anglais.)

 

Kafkaris c. Chypre (requête no 21906/04) 12 février 2008  Le juge Bratza a exprimé une opinion concordante ; les juges Tulkens, Cabral Barreto, Fura-Sandström et Spielmann ont exprimé une opinion partiellement dissidente ; le juge Loucaides a exprimé une opinion partiellement dissidente à laquelle se rallie la juge Jočienė, et le juge Borrego Borrego a exprimé une opinion partiellement dissidente. 

Jurisprudence : : Abdulaziz, Cabales et Balkandali c. Royaume-Uni, arrêt du 28 mai 1985, série A n° 94, p. 39, § 82 ; Achour c. France [GC], n° 67335/01, §§ 41, 44, 51 et 54, CEDH 2006-IV ; Amuur c. France, arrêt du 25 juin 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-III, pp. 850-51, § 50 ; Assanidze c. Georgie [GC], n° 71503/01, § 162, CEDH 2004-II ; Bamber c. Royaume-Uni, n° 13183/87, Commission décision du 14 décembre 1988 ; Linguistique belge (au principal), arrêt du 23 juillet 1968, série A n° 6, pp. 33-34, § 9 ; Beyeler c. Italie (satisfaction équitable) [GC], n° 33202/96, § 27, 28 mai 2002 ; Bozano c. France, arrêt du 18 décembre 1986, série A n° 111, p. 23, § 54 ; Brogan et autres c. Royaume-Uni, arrêt du 29 novembre 1988, série A n° 145-B, p. 27, §§ 46-47 ; C.R. c. Royaume-Uni, 22 novembre 1995, série A n° 335-C, pp. 68 et 69, §§ 33 ; Cantoni c. France, arrêt du 15 novembre 1996, Recueil 1996-V, p. 1627, § 29, et p. 1629, § 35 ; Carabasse c. France, n° 59765/00, § 68, 18 janvier 2005 ; Casado Coca c. Espagne, arrêt du 24 février 1994, série A no 285-A, p. 18, § 43 ; Coëme et autres c. Belgique, nos. 32492/96, 32547/96, 32548/96, 33209/96 et 33210/96, § 145, CEDH 2000-VII ; De Wilde, Ooms et Versyp c. Belgique, arrêt du 18 juin 1971, série A n° 12, p. 45, § 93 ; Draon c. France [GC], n° 1513/03, § 117, 6 octobre 2005 ; E.K. c. Turquie, n° 28496/95, § 51, 7 février 2002 ; G.M.B. et K.M. c. Suisse (déc.), n° 36797/97, 27 septembre 2001 ; Gaygusuz c. Autriche, arrêt du 16 septembre 1996, Recueil 1996-IV, p. 1142, § 42 ; Hertel c. Suisse, arrêt du 25 août 1998, Recueil 1998-VI, p. 2334, § 63 ; Hill c. Royaume-Uni (déc.), n° 19365/02, 18 mars 2003 ; Hosein c. Royaume-Uni, n° 26293/95, Commission décision du 28 février 1996 ; Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], n° 31107/96, § 54, CEDH 2000-XI ; Inze c. Autriche, arrêt du 28 octobre 1987, série A n° 126, p. 18, § 41 ; Irlande c. Royaume-Uni, 18 janvier 1978, série A n° 25, p. 65, § 162 ; Jamil c. France, arrêt du 8 juin 1995, série A n° 317-B, p. 27 ,§ 30 et pp. 27-28, § 31 ; Karlheinz Schmidt c. Allemagne, arrêt du 18 juillet 1994, série A n° 291-B, p. 32, § 22 ; Kjeldsen, Busk Madsen et Pedersen c. Danemark, arrêt du 7 décembre 1976, série A n° 23, § 56 ; Kokkinakis c. Grèce, arrêt du 25 mai 1993, série A n° 260-A, p. 19, § 40, et p. 22, § 52 ; Kotälla c. Pays-Bas, n° 7994/77, Commission décision du 6 mai 1978, Décisions et rapports (DR) 14, p. 238 ; Kruslin c. France, arrêt du 24 avril 1990, série A n° 176-A, p. 21 § 29 ; Kudla c. Pologne [GC], n° 30210/96, §§ 92-94, CEDH 2000-XI ; Labita c. Italie [GC], n° 26772/95, § 119, CEDH 2000-IV ; Leyla Sahin c. Turquie [GC], n° 44774/98, § 88, CEDH 2005-XI ; Nivette c. France (déc.), n° 44190/98, CEDH 2001-VII ; Rasmussen c. Danemark, arrêt du 28 novembre 1984, série A n° 87, p. 15, § 40 ; S.W. c. Royaume-Uni, 22 novembre 1995, série A n° 335-C, pp. 41-42, § 35 et § 36 ; Sahin c. Allemagne [GC], n° 30943/96, § 105, CEDH 2003-VIII ; Sawoniuk c. Royaume-Uni (déc.), n° 63716/00, CEDH 2001-VI ; Soering c. Royaume-Uni, arrêt du 7 juillet 1989, série A n° 161, p. 49, § 102 ; Stanford c. Royaume-Uni (déc.), n° 73299/01, 12 décembre 2002 ; Streletz, Kessler et Krenz c. Allemagne [GC], nos. 34044/96, 35532/97 et 44801/98, § 50, CEDH 2001-II ; Sunday Times c. Royaume-Uni (n° 1), arrêt du 26 avril 1979, série A n° 30, p. 30, § 47, et p. 31, § 49 ; Thlimmenos c. Grèce [GC], n° 34369/97, §§ 40-49, CEDH 2000-IV ; Treholt c. Norvège, n° 14610/89, Commission décision du 9 juillet 1991, DR 71, p. 168 ; V. c. Royaume-Uni, [GC], n° 24888/94, § 72, CEDH 1999-IX ; Van Droogenbroeck c. Belgique, arrêt du 24 juin 1982, série A n° 50, pp. 19-21, §§ 35, 38 et 39 ; Weeks c. Royaume-Uni, arrêt du 2 mars 1987, série A n° 114, p. 23, § 42 ; Welch c. Royaume-Uni, arrêt du 9 février 1995, série A n° 307-(L’arrêt existe en français et en anglais.)

 

 

Divers

La Cour émet de sérieuses réserves en ce qui concerne un ordre juridique qui permet de juger et de condamner une personne décédée, vu l’incapacité manifeste de cette personne de se défendre. Quoi qu’il en soit, elle constate que les juridictions internes, dans leurs décisions définitives, ont retenu des déclarations auto-incriminantes de l’accusé mais n’ont pas tenu compte de certains points essentiels

 

GRADINAR c. MOLDOVA

08/04/2008

Violation de l’article 6 § 1

 

Le mari de l’intéressée fut accusé, avec deux autres personnes, du meurtre d’un policier commis en septembre 1995. En mai 1997, le tribunal régional de Chişinău acquitta les trois suspects. En appel, un nouveau procès fut ordonné. La requérante, dont le mari fut tué par balle dans l’intervalle, demanda la réouverture de la procédure afin de prouver l’innocence de son époux. Finalement, les juridictions moldaves jugèrent le mari de l’intéressée coupable. Invoquant l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable) de la Convention européenne des droits de l’homme, la requérante se plaignait du manque d’équité de la nouvelle procédure de jugement de feu son mari.

 

Décision de la Cour

La Cour émet de sérieuses réserves en ce qui concerne un ordre juridique qui permet de juger et de condamner une personne décédée, vu l’incapacité manifeste de cette personne de se défendre. Quoi qu’il en soit, elle constate que les juridictions internes, dans leurs décisions définitives, ont retenu des déclarations auto-incriminantes de l’accusé comme « preuves décisives » mais n’ont pas

tenu compte de certains points essentiels, par exemple du fait que l’accusé avait un alibi pour l’heure présumée du

meurtre.

La Cour conclut donc que la procédure dirigée contre le mari de la requérante n’était pas équitable, les tribunaux moldaves n’ayant pas suffisamment motivé la condamnation de l’intéressé. Par conséquent, elle dit, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1. La requérante n’ayant présenté aucune demande de satisfaction équitable, la Cour n’alloue aucune indemnité à ce titre.

 

Grădinar c. Moldova (requête n° 7170/02) Jurisprudence antérieure :  Biç et autres c. Turquie, n° 55955/00, § 24, 2 février 2006 ; Bimer S.A. c. Moldova, n° 15084/03, §§ 57-59, 10 juillet 2007 ; Burg c. France (déc.), n° 34763/02, CEDH 2003-II ; Buzescuc. Roumanie, n° 61302/00, § 63, 24 mai 2005 ; Dalban c. Roumanie [GC], n° 28114/95, § 39, CEDH 1999 VI ; Fairfield et autres c. Royaume-Uni (déc.), 24790/04, 8 mars 2005 ; Georgiadis c. Grèce arrêt du 29 mai 1997, Recueil 1997-III, p. 958-59, § 30 ; Helle c. Finlande, arrêt du 19 décembre 1997, Recueil 1997 VIII, § 55 ; Hiro Balani c. Espagne, arrêt du 9 décembre 1994, série A n° 303-B, §§ 27, 28 ; Karner c. Autriche, n° 40016/98, § 25, CEDH 2003 IX ; Kurzac c. Pologne (déc.), n° 31382/96, CEDH 2000 VI ; Melnic c. Moldova, n° 6923/03, §§ 39-44, 14 novembre 2006) ; Nölkenbockhoff c. Allemagne, arrêt du 25 août 1987, série A n° 123 ; Osman c. Royaume-Uni, arrêt du 28 octobre 1998, Recueil 1998 VIII ; Perez c. France [GC], n° 47287/99, § 80, CEDH 2004 I ; Popov c. Moldova (n° 2), n° 19960/04, §§ 49-54, 6 décembre 2005 ; Rolf Gustafson c. Suède arrêt du 1 juillet 1997, Recueil 1997-IV, p. 1160, § 38 ; Ruiz Torija c. Espagne, arrêt du 9 décembre 1994, série A n° 303 A, §§ 29 et 30 ; Salov c. Ukraine, n° 65518/01, § 92, CEDH 2005 ... (extraits) ; Suominen c. Finlande, n° 37801/97, §§ 34-38, 1 juillet 2003 ; Van de Hurk c. Pays-Bas, arrêt du 19 avril 1994, série A n° 288, p. 20, §§ 59 et 61 ; Vilho Eskelinen et autres c. Finlande [GC], n° 63235/00, § 57, CEDH 2007 ... ; Werner c. Pologne, n° 26760/95, § 33, 15 novembre 2001

 

 

 

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