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DROITS FONDAMENTAUX
Voir aussi : CEDH - LIBERTE
D'EXPRESSION
· Voir aussi : CEDH - PROTECTION DE
LA VIE PRIVEE
· Voir aussi : CEDH - LIBERTE
D'ASSOCIATION
· Voir aussi : CEDH - PROCES
EQUITABLE
· Voir aussi : CEDH – PROCEDURE PENALE
· Voir aussi : CEDH – NON-DISCRIMINATION
·
droit DE PROPRIETE
DROIT au respect DES BIENS
L’article 1 du
Protocole n° 1
La légalité de l’origine de l’argent
n’est pas contestée et le requérant
n’avait pas d’antécédents judiciaires et n’était pas soupçonné de blanchiment
d’argent, corruption ou autres infractions financières graves
IsmaYlov c. Russie
06.11.2008
Violation de
l’article 1 du Protocole n° 1
A son arrivée à Moscou en novembre 2002, Adil Younous
oğlu Ismaïlov, ressortissant azerbaïdjanais
, il fut accusé de contrebande au motif qu’il n’avait pas déclaré les 21 348
dollars des Etats-Unis (soit environ 17 059 euros) qu’il portait sur lui. Cet
argent était celui qu’il avait reçu pour la vente d’un appartement dont il
avait hérité à Bakou. Il fut reconnu coupable des charges retenues contre lui
et condamné à une peine de prison de six mois avec sursis. L’argent fut
également confisqué. Le requérant alléguait que l’ordre de confiscation n’avait
pas été légal. Il invoquait, en particulier, l’article 1 du Protocole no
1 (protection de la propriété).
La Cour note que la légalité de l’origine de l’argent n’est pas contestée et que le requérant n’avait pas d’antécédents judiciaires et n’était pas soupçonné de blanchiment d’argent, corruption ou autres infractions financières graves. L’intéressé ayant déjà été sanctionné pour l’infraction de contrebande par une condamnation pénale, l’effet dissuasif désiré a été obtenu, et la Cour n’est pas convaincue qu’il était nécessaire de confisquer l’argent du requérant. Elle considère donc que la mesure de confiscation a été excessive et disproportionnée compte tenu des circonstances de l’espèce, et conclut par six voix contre une à la violation de l’article 1 du Protocole no 1.
Ismayilov
c. Russie Jurisprudence
: AGOSI c. Royaume-Uni, arrêt du 24 octobre
1986, série A n° 108, § 34 ; Air Canada c. Royaume-Uni, arrêt du 5 mai 1995,
série A n° 316-A, 34 ; Arcuri et autres c. Italie (déc.), n° 52024/99, 5
juillet 2001 ; Baklanov c. Russie, n° 68443/01, § 39, 9 juin 2005 ; Bendenoun
c. France, arrêt du 24 février 1994, série A n° 284, § 47 ; Bosphorus Hava
Yollarÿ Turizm ve Ticaret Anonim ÿirketi c. Irlande [GC], n° 45036/98, CEDH
2005-VI ; Broniowski c. Pologne [GC], n° 31443/96, § 134, CEDH 2004- V ; Butler
c. Royaume-Uni (déc.), n° 41661/98, 27 juin 2002 ; C.M. c. France (déc.), n°
28078/95, 26 juin 2001 ; Frizen c. Russie, n° 58254/00, § 33, 24 mars 2005 ;
Phillips c. Royaume-Uni, n° 41087/98, §§ 9-18, CEDH 2001-VII ; Raimondo c.
Italie, arrêt du 22 février 1994, série A n° 281-A, § 29 ; Riela et autres c.
Italie (déc.), n° 52439/99, 4 septembre 2001 ; Yildirim c. Italie (déc.), n°
38602/02, CEDH 2003-IV.(L’arrêt n’existe qu’en anglais.)
Alors que le requérant avait demandé
le réajustement de sa pension, la décision faisant droit à sa demande n’a été
rendue que quatre ans plus tard. L’application d’un tel critère semble
aléatoire et susceptible de conduire à des résultats contradictoires et peu
justifiés
KOKKINIS C. GRECE
6.11.2008
Violation de l’article 1 du protocole n° 1
La Comptabilité générale de
l’Etat rejeta la demande introduite par M. Kokkinis, fonctionnaire à la retraite, de voir
réajuster le montant de sa pension de vieillesse. Il saisit la Cour des comptes
qui fit droit à sa demande en janvier 2002. Toutefois, la juridiction jugea les
montants payables seulement à partir du 1er janvier 1999. Elle
considéra en effet que le délai de prescription prévu par l’article 60 § 1 du
décret présidentiel no 166/2000 – limitant le caractère rétroactif
de la réclamation des droits de pension contre l’Etat – commençait à courir à
partir de la publication de son propre arrêt, qui constituait la décision
faisant droit à la demande de retraite du requérant. Le requérant se pourvut en
cassation, en vain.
Invoquant l’article 1 du
Protocole no 1 (protection de la propriété), le requérant dénonçait
la façon dont la Cour des comptes avait procédé à la fixation du point de
départ de la prescription.
La Cour relève que la fixation
de la date à partir de laquelle le requérant pouvait obtenir le versement de
ses droits de pension a été exclusivement fonction du temps que les autorités
et les juridictions administratives ont mis pour rendre leur décisions. En
effet, alors que le requérant avait demandé le réajustement de sa pension en
décembre 1998, la décision faisant droit à sa demande n’a été rendue que quatre
ans plus tard. La Cour note que l’application d’un tel critère semble aléatoire
et susceptible de conduire à des résultats contradictoires et peu justifiés.
Par conséquent, la Cour conclut à l’unanimité à la violation de l’article 1 du
Protocole no 1 et que le constat d’une violation fournit en soi une
satisfaction équitable suffisante pour le préjudice moral subi par le
requérant.
Kokkinis
c. Grece Jurisprudence : Beyeler c. Italie [GC], nº 33202/96, § 100, CEDH-2000-I, Broniowski
c. Pologne [GC], nº 31443/96, § 129, CEDH 2004-V; Iatridis c. Grèce [GC], nº
31107/96, § 54, CEDH 1999‑II;
J.A. Pye (Oxford) Ltd et J.A. Pye (Oxford) Land Ltd c. Royaume-Uni [GC],
no 44302/02, §§ 68-69, CEDH 2007‑...; Kopecký c. Slovaquie ([GC], nº
44912/98, CEDH 2004 IX ; Manoussakis et autres c. Grèce, 26 septembre
1996, § 33, Recueil 1996-IV ; Sporrong
et Lönnroth c. Suède du 23 septembre 1982, série A nº 52, § 69; Stec et autres c. Royaume-Uni (déc.) [GC], nos
65731/01 et 65900/01, 6 juillet 2005, § 54, CEDH‑2005-X; Stubbings et
autres c. Royaume-Uni, 22 octobre 1996, § 52, Recueil des
arrêts et décisions 1996-IV ;L’arrêt n’existe qu’en français.)
Compte tenu de la durée pendant laquelle
les actions de l’entreprise requérante ont été saisies – plus de 11 ans –
et de la valeur considérable qu’elles représentaient, la Cour conclut, à
l’unanimité, à la violation de l’article 1 du Protocole no 1.
FORMINSTER
ENTERPRISES LIMITED C. REPUBLIQUE TCHEQUE
09.10.2008
Violation de l’article 1 du Protocole n°1
La requérante,
Forminster Enterprises Limited, avait conclu un accord d’achat avec une
entreprise de droit tchèque. Le grief de l’entreprise requérante résidait
essentiellement dans l’allégation que des actions détenues par elle avaient été
saisies en violation de l’article 1 du Protocole no 1 et
qu’elle en avait perdu le contrôle du fait de cette saisie, pratiquée dans le
cadre d’une procédure pénale dirigée contre un membre du conseil
d’administration de l’entreprise tchèque.
La Cour reconnaît l’importance d’enquêter avec diligence sur d’éventuelles infractions économiques graves afin de veiller à l’appréciation correcte de ces infractions et à la bonne marche de la procédure. Bien que le droit pénal tchèque n’ait pas permis à l’entreprise requérante de bénéficier de garanties procédurales suffisantes au sens de l’article 1 du Protocole no 1, la Cour considère que la saisie en question était légale en raison de la nature de l’examen réalisé par la Cour constitutionnelle. Toutefois, compte tenu de la durée pendant laquelle les actions de l’entreprise requérante ont été saisies – plus de 11 ans – et de la valeur considérable qu’elles représentaient, elle conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 1 du Protocole no 1. (L’arrêt n’existe qu’en anglais.)
Jurisprudence : AGOSI c. Royaume-Uni, arrêt du 24 octobre
1986, série A n° 108, § 51 ; Al-Nashif c. Bulgarie, n° 50963/99, § 123, 20 juin
2002 ; Bosphorus Hava Yollari Turizm ve Ticaret Anonim Sirketi c. Irlande [GC],
n° 45036/98, §§ 153-154, CEDH 2005-VI ; Cantoni c. France, arrêt du 15 novembre
1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-V, § 35 ; Capital Bank AD c.
Bulgarie, n° 49429/99, § 86 et § 134, CEDH 2005-XII (extraits) ; Chassagnou et
autres c. France [GC], nos 25088/94, 28331/95 et 28443/95, § 75, CEDH 1999-III
; Chauvy et autres c. France, n° 64915/01, §§ 43-45, CEDH 2004-VI ; Ex-Roi de
Grèce et autres c. Grèce [GC], n° 25701/94, § 87, CEDH 2000-XII ; Fredin c.
Suède (n° 1), arrêt du 18 février 1991, série A n° 192, § 50 ; Guerra et autres
c. Italie, arrêt du 19 février 1998, Recueil 1998-I, p. 223, § 44 ; Hassan et
Tchaouch c. Bulgarie [GC], n° 30985/96, § 84, CEDH 2000-XI ; Iatridis c. Grèce
[GC], n° 31107/96, § 58, CEDH 1999-II ; Jokela c. Finlande, n° 28856/95, § 45,
CEDH 2002-IV ; Malone c. Royaume-Uni, arrêt du 2 août 1984, série A n° 82, § 79
; O. B. Heller, a.s. et Ceskoslovenska obchodni banka, a.s. c. République
tchèque (déc.), n° 5631/00, 9 novembre 2004 ; Pressos Compania Naviera S.A. et
autres c. Belgique, arrêt du 20 novembre 1995, série A n° 332, § 38 ;
Sovtransavto Holding c. Ukraine, n° 48553/99, § 95, CEDH 2002-VII
La Cour rappelle que la notion de
« biens » de l'article 1 du Protocole no 1 a une portée
autonome qui ne se limite pas à la propriété de biens corporels : certains
autres droits et intérêts constituant des actifs peuvent aussi passer pour des
« droits de propriété » et donc pour des « biens » aux fins
de cette disposition. La Cour admet dès lors avec la requérante qu'il y avait
en l'espèce une valeur patrimoniale dans l'autorisation en vertu de laquelle
elle pouvait avoir l'espérance légitime d'exercer son activité économique
S.C. Pilot
Service S.A. Constanţa c. Roumanie
3.06.2008
Deux
violations de l’article 6 § 1 (équité)-Deux violations de l’article 1 du
Protocole n° 1
La requérante, S.C. Pilot Service S.A. Constanţa, est une
société commerciale constituée en 1991, à la suite de la transformation d’une
ancienne entreprise d’Etat en société par actions. Son siège social est à
Constanţa (Roumanie) et son objet principal d’activité est le pilotage des
navires dans les ports maritimes, le Danube maritime et fluvial et les canaux
navigables.
L’affaire concerne une procédure relative au droit de la
société requérante d’exercer son activité de pilotage. Elle se plaignait de la
non-exécution de deux arrêts définitifs rendus par la Cour suprême de justice
et par lesquels des dispositions d’arrêtés ministériels l’empêchant d’exercer
son activité de pilotage avaient été annulés. Elle tirait également grief
de l’annulation, à la suite d’un recours formé par le procureur général,
d’un autre arrêt définitif rendu en sa faveur par la cour d’appel de
Ploieşti. Elle invoquait les articles 6 § 1 (droit
à un procès équitable) et 1 du Protocole n° 1 (protection de
la propriété).
SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 6 § 1 DE LA
CONVENTION
La Cour rappelle que
l'exécution d'un jugement ou arrêt, de quelque juridiction que ce soit, doit
être considérée comme faisant partie intégrante du « procès » au sens
de l'article 6 de la Convention. Le droit
à un tribunal serait illusoire si l'ordre juridique interne d'un État
contractant permettait qu'une décision judiciaire définitive et obligatoire
reste inopérante au détriment d'une partie. A cet égard, dans
l'affaire Hornsby, elle avait
retenu ce qui suit :
« Ces affirmations
revêtent encore plus d'importance dans le contexte du contentieux
administratif, à l'occasion d'un différend dont l'issue est déterminante pour
les droits civils du justiciable. En introduisant un recours en annulation
devant la plus haute juridiction administrative de l'Etat, celui-ci vise à
obtenir non seulement la disparition de l'acte litigieux, mais aussi et surtout
la levée de ses effets. Or la protection effective du justiciable et le
rétablissement de la légalité impliquent l'obligation pour l'administration de
se plier à un jugement ou arrêt prononcé par une telle juridiction. La Cour
rappelle à cet égard que l'administration constitue un élément de l'Etat de
droit et que son intérêt s'identifie donc avec celui d'une bonne administration
de la justice. Si l'administration refuse ou omet de s'exécuter, ou encore
tarde à le faire, les garanties de l'article 6 dont a bénéficié le justiciable
pendant la phase judiciaire de la procédure perdraient toute raison d'être.
La Cour note que (...) le
Conseil d'Etat annula les deux décisions du directeur de l'enseignement
secondaire qui refusaient aux requérants - sur le seul fondement de leur
nationalité - le permis sollicité (...). Compte tenu de ces arrêts, les
intéressés pouvaient alors prétendre avoir le droit de voir leurs demandes
aboutir; en les réitérant le 8 août 1989 (...), ils ne faisaient que rappeler à
l'administration son obligation de prendre une décision conformément aux règles
de droit dont le non-respect avait entraîné l'annulation. Néanmoins, elle
demeura silencieuse jusqu'au 20 octobre 1994.
En s'abstenant pendant plus de
cinq ans de prendre les mesures nécessaires pour se conformer à une décision
judiciaire définitive et exécutoire, les autorités nationales ont, en l'occurrence,
privé les dispositions de l'article 6 § 1 de la Convention de tout effet
utile. »
En l'espèce, la Cour observe
que par son arrêt du 6 février 2001, la Cour suprême a définitivement annulé
les dispositions de l'article 5 de l'arrêté no 508/1999, en jugeant
qu'elles étaient illégales, puisqu'elles apportaient des modifications non
permises à la loi par la création d'une nouvelle catégorie d'autorisations et
puisqu'elles limitaient la validité des autorisations jusqu'à la concession des
services publics portuaires. La juridiction suprême a également retenu que la
requérante avait acquis le droit d'exercer l'activité de pilotage maritime dans
des conditions de concurrence et que l'Etat n'avait pas instauré par la loi un
monopole à l'égard de cette activité. De plus, elle a précisé qu'il n'y avait
aucune disposition légale prévoyant que les autorisations délivrées
deviendraient caduques en cas de concession du service public portuaire au
bénéfice d'autres personnes.
De plus, par son arrêt du 22
octobre 2002, la juridiction suprême a jugé que la reprise dans l'arrêté no
595/2000 des dispositions déjà annulées de l'arrêté no 508/1999
constituait une façon d'éluder les décisions judiciaires passées en force de
chose jugée et méconnaissait le principe constitutionnel de la séparation des
pouvoirs. Elle a jugé en outre que la requérante a vu son droit méconnu, en
violation des conditions découlant de son autorisation.
Pour autant que le
Gouvernement allègue que les arrêts en question n'ont pas établi d'autres
obligations à la charge des autorités que celle d'ignorer les dispositions
annulées, la Cour rappelle qu'elle avait déjà jugé ce qui suit dans l'affaire Zazanis et autres c. Grèce:
« (...)
l'obligation d'exécuter un arrêt de justice ne se limite pas au dispositif de
celui-ci ; en effet, c'est simultanément le fond de l'arrêt qui doit être
respecté et appliqué. Il s'ensuit que, s'agissant du comportement de
l'administration suite à un arrêt définitif et exécutoire de la justice
administrative, celui-ci ne saurait ni empêcher ni, encore moins, remettre en
question le fond de cet arrêt.
En l'espèce, il est vrai que
le Conseil d'Etat a annulé uniquement le refus tacite de l'administration
d'accorder le permis d'abattage et a renvoyé l'affaire à l'administration afin
que celle-ci prenne une décision. Toutefois, le Conseil d'Etat a affirmé dans
son arrêt no 2563/2000 que le dossier soumis à l'administration par
la société « Loutrakat » était complet et qu'il indiquait avec clarté
la situation de l'immeuble ainsi que le nombre, la nature et la position des
arbres à abattre. Toutefois, en dépit des constatations du Conseil d'Etat, la
direction de l'urbanisme invita la société, tout comme elle l'avait fait à
plusieurs reprises avant la saisine de cette juridiction, à compléter davantage
le dossier (...) »
La Cour observe en l'espèce
que les deux arrêts en question étaient suffisamment clairs et ne prêtaient pas
à discussion quant à leur contenu. En effet, ils faisaient nettement naître
dans le chef des autorités l'obligation de ne plus se fonder sur les
dispositions en cause et de permettre à la requérante d'exercer son activité en
vertu de l'autorisation qui lui avait été accordée le 27 janvier 2000 – ce qui
était d'ailleurs l'objectif visé par elle en introduisant les actions en
annulation des dispositions des deux arrêtés litigieux. Dans la mesure où les
juridictions avaient constaté par des arrêts définitifs que les dispositions
litigieuses des arrêtés en cause étaient illégales, il incombait aux autorités publiques
de ne plus s'en prévaloir.
Or, malgré l'arrêt du 6 février 2001, le ministère des Transports a refusé de permettre à la requérante d'exercer son activité, au motif que ce droit n'appartenait qu'aux sociétés qui avaient été choisies à l'issue de l'appel d'offres du 23 mai 2000 et que cet arrêt n'avait établi dans son dispositif aucune obligation à la charge de l'autorité compétente. Il lui a également refusé l'exercice de son activité après l'arrêt du 22 octobre 2002 au motif qu'elle n'avait pas demandé une nouvelle autorisation. Par ailleurs, elle estime que l’annulation de l’arrêt définitif rendu par la cour d’appel de Ploieşti a enfreint le principe de la sécurité des rapports juridiques.
SUR LES VIOLATIONS ALLÉGUÉES
DE L'ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1
La Cour observe que la
requérante a soulevé deux griefs tirés de l'article 1 du Protocole no
1 : l'un ayant trait à la non-exécution des deux arrêts définitifs et
l'autre portant sur l'annulation d'un troisième arrêt définitif à la suite d'un
« recours en annulation ».
a) La non-exécution
des arrêts des 6 février 2001 et 22 octobre 2002 de la Cour suprême de justice
La Cour observe que la
juridiction nationale suprême a jugé, dans son arrêt du 6 février 2001, que la
requérante a acquis le droit d'exercer le pilotage maritime dans des conditions
de libre concurrence et qu'en raison de l'application des dispositions du
premier arrêté, elle s'est vu interdire l'exercice de cette activité. Cet arrêt
a confirmé par ailleurs l'arrêt du 15 juin 2000 de la cour d'appel quant à
l'annulation de l'article 5 de l'arrêté en cause. Or, l'arrêt rendu en premier
ressort avait retenu que toutes atteintes à l'objet d'activité de la requérante
ont des effets sur son patrimoine et sont équivalentes à une expropriation, enfreignant
ainsi les dispositions de la Constitution. Par ailleurs, la Cour suprême, dans
son arrêt du 5 novembre 2001 qui rejetait un recours en annulation introduit
contre ces deux arrêts, a souligné que l'autorisation du 27 janvier 2000 était
un droit acquis dans le patrimoine de la requérante, droit qui devait dès lors
être protégé pendant toute la durée de validité de l'autorisation ; de
plus, la limitation apportée à l'autorisation, pendant sa durée de validité,
n'était pas conforme à la loi.
La juridiction suprême a
également retenu, dans son arrêt définitif du 22 octobre 2002, que le droit de
la requérante a été méconnu par l'application des dispositions du second
arrêté, en violation des conditions découlant de son autorisation, cet arrêt
ayant confirmé l'arrêt du 22 novembre 2001 de la cour d'appel, qui, à son tour,
retenait que la requérante avait le droit d'exercer son activité en vertu de
l'autorisation du 27 janvier 2000.
Il ressort ainsi que les
juridictions nationales ont jugé que la requérante avait en vertu de
l'autorisation précitée le droit d'exercer l'activité de pilotage et que la
limitation apportée à ladite autorisation pendant sa durée de validité n'était
pas légale.
La Cour rappelle en ce sens
que la notion de « biens » de l'article 1 du Protocole no
1 a une portée autonome qui ne se limite pas à la propriété de biens
corporels : certains autres droits et intérêts constituant des actifs
peuvent aussi passer pour des « droits de propriété » et donc pour
des « biens » aux fins de cette disposition.
La Cour admet dès lors avec la
requérante qu'il y avait en l'espèce une valeur patrimoniale dans
l'autorisation en vertu de laquelle elle pouvait avoir l'espérance légitime
d'exercer son activité économique. Le Gouvernement reconnaît d'ailleurs lui-même
que l'autorisation en cause pouvait constituer un bien au sens de l'article 1
du Protocole no. Il s'ensuit que la requérante avait un
« bien » au sens de l'article 1 du Protocole no 1.
La Cour ne saurait souscrire à
l'argument du Gouvernement selon lequel la requérante a pu exercer son activité
pendant la validité de l'autorisation. Elle relève en ce sens que l'intéressée
a été obligée de cesser son activité le 1er septembre 2000, et
qu'elle ne l'a reprise que du
18 février 2002 au 28 février 2005 et ce uniquement dans la zone portuaire 2,
alors que l'autorisation du 27 janvier 2000 ne prévoyait pas cette limitation.
Elle observe en outre que la cessation de l'activité de la requérante, suivie
d'une reprise partielle, a été la conséquence de la méconnaissance des deux
décisions définitives rendues par la juridiction suprême.
La requérante a ainsi subi une
ingérence dans son droit au respect des biens.
Il faut dès lors déterminer, en
premier lieu, si cette ingérence était prévue par la loi, compte tenu de ce que
la prééminence du droit, l'un des principes fondamentaux d'une société
démocratique, est inhérente à l'ensemble des articles de la Convention. La
nécessité de rechercher si un juste équilibre a été maintenu entre les
exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la
sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu ne peut se faire sentir qu'en
second lieu, lorsqu'il est acquis que l'ingérence litigieuse a respecté le
principe de la légalité et n'était pas arbitraire.
En l'espèce, la Cour rappelle
que la juridiction suprême nationale a retenu l'illégalité de toute limitation
apportée à l'autorisation de la requérante pendant sa durée de validité. Un tel
constat conduit la Cour à conclure que l'ingérence en cause n'était pas
conforme à la loi interne et la dispense d'examiner si elle poursuivait un but
légitime et était proportionnée à ce but.
La Cour estime dès lors que
l'article 1 du Protocole no 1 a été violé en raison de la
non-exécution des arrêts des 6 février 2001 et 22 octobre 2002 de la Cour
suprême de justice.
La Cour, á l’unanimité, conclut :
- à la violation des articles 6 § 1 et 1 du Protocole n° 1.
- à une autre violation des articles 6 § 1 et 1 du Protocole
n° 1 en raison de l’annulation de l’arrêt définitif rendu par la cour d’appel
de Ploieşti.
La Cour dit que la question de l’application de l’article 41 de la Convention ne se trouve pas en état. (L’arrêt n’existe qu’en français.)
La Cour réaffirme notamment que, dans le
contexte législatif roumain régissant les actions en revendication immobilière
et la restitution des biens nationalisés par le régime communiste, la vente par
l'Etat d'un bien d'autrui à des tiers de bonne foi, même lorsqu'elle est
antérieure à la confirmation définitive en justice du droit de propriété
d'autrui, s'analyse en une privation de bien. Une telle privation, combinée
avec l'absence totale d'indemnisation, est contraire à l'article 1 du Protocole
no 1
DIMITRESCU c. ROUMANIE
3 juin 2008
Les requérants,
frères, sont nés respectivement en 1931 et 1929 et résident à Bucarest.
Au cours de
l'année 1947, le père des requérants acheta un bien immobilier sis à Bucarest. Le
bien était formé d'un terrain et de deux corps de bâtiments ayant plusieurs
appartements.
En 1950, l'Etat
nationalisa le bien.
Le 7 mars 1994,
les requérants saisirent le tribunal de première instance de Bucarest
(« le tribunal de première instance ») d'une action en revendication
contre le conseil municipal, afin de se voir restituer le bien.
Entre-temps, le
5 juillet 1996, les requérants demandèrent à la société qui administrait les
immeubles de l'Etat des renseignements sur le bien susmentionné et lui
signifièrent de ne pas le vendre aux éventuels locataires, puisqu'ils avaient
introduit une action en revendication. Malgré cette notification, l'État vendit
les appartements aux tiers qui les habitaient en tant que locataires. Le
terrain sis
sous chaque appartement (« le terrain afférent ») fut également
vendu.
Après une
cassation avec renvoi, par un jugement définitif du 14 février 1999, le
tribunal de première instance accueillit l'action et condamna le conseil
municipal à restituer le bien aux requérants.
Les requérants
engagèrent des actions en justice contre les acheteurs, dont quelques unes
furent accueillies par des décisions définitives, alors que les autres ne le
furent pas.
La situation
de l'appartement vendu à G.I.
Par un contrat
du 12 décembre 1996, l'Etat vendit à G.I. un appartement sis au rez-de-chaussée
de l'immeuble.
Le 15 novembre
1999, les requérants saisirent le tribunal départemental de Bucarest (« le
tribunal départemental ») d'une action en revendication contre G.I.
Par un jugement
du 21 septembre 2001, le tribunal départemental rejeta l'action. Par un
arrêt du 13 mars 2002, la cour d'appel de Bucarest (« la cour
d'appel ») fit droit à l'appel des requérants et ordonna à G.I. de leur
restituer l'appartement.
Par un arrêt du
16 mai 2003, la Cour suprême de justice accueillit le recours de G.I. et rejeta
l'action, au motif que G.I. était de bonne foi lors de la conclusion du contrat
de vente.
La situation
de l'appartement vendu à B.C.C.
Par un contrat
du 9 janvier 1997, l'Etat vendit à B.C.C. un appartement sis à l'étage de
l'immeuble.
Le 10 novembre
1999, les requérants saisirent le tribunal de première instance d'une action
contre B.C.C. et le conseil municipal, afin de se voir restituer l'appartement
et de faire annuler le contrat de vente.
Par un jugement
du 5 juin 2001, le tribunal de première instance accueillit partiellement
l'action, ordonna à B.C.C. de restituer l'appartement aux requérants, mais
rejeta le grief portant sur l'annulation du contrat de vente. Par un arrêt
du 12 décembre 2001, le tribunal départemental fit droit à l'appel de B.C.C. et
rejeta l'action des requérants dans son intégralité.
Cet arrêt fut
confirmé, sur un recours des requérants, par un arrêt du 24 mai 2002 de la cour
d'appel.
La situation
des appartements vendus à A.M. et D.M.
Les 17 janvier
et 11 juin 1997, l'État vendit deux appartements de l'immeuble respectivement à
D.M. et A.M.
Par des arrêts
définitifs des 13 novembre 2000 et 13 mars 2001, le tribunal départemental fit
droit aux actions en revendication introduites par les requérants
respectivement contre A.M. et D.M. et condamna ces acheteurs à leur restituer
les appartements en cause.
Demande
administrative visant la restitution du bien
Le 26 juin
2001, les requérants demandèrent à la mairie, en vertu de la loi no
10/2001, la restitution du bien.
Le 28 février
2006, la mairie informa le Gouvernement que la demande n'avait pas été examinée
à ce jour, puisque les requérants n'avaient pas fourni certains documents.
Le requérant
allègue une atteinte au droit au respect des biens, en raison de la vente de
deux appartements de son bien aux locataires B.C.C. et G.I.,
Décision de
la Cour
La Cour observe
que le requérant détient une décision judiciaire définitive et irrévocable
ordonnant aux autorités de lui restituer le bien, y compris donc les deux
appartements et leur terrain afférent faisant l'objet des présentes requêtes.
Comme la Cour l'a déjà constaté, l'existence de son droit de propriété en vertu
d'un jugement définitif n'était pas conditionnée à d'autres formalités.
La Cour a
traité à maintes reprises des affaires soulevant des questions semblables à
celles du cas d'espèce et a constaté la violation de l'article 1 du
Protocole no 1 à la Convention.
La Cour réaffirme
notamment que, dans le contexte législatif roumain régissant les actions en
revendication immobilière et la restitution des biens nationalisés par le
régime communiste, la vente par l'Etat d'un bien d'autrui à des tiers de bonne
foi, même lorsqu'elle est antérieure à la confirmation définitive en justice du
droit de propriété d'autrui, s'analyse en une privation de bien. Une telle
privation, combinée avec l'absence totale d'indemnisation, est contraire à
l'article 1 du Protocole no 1. De surcroît, ni la loi no 10/2001,
ni la loi no 247/2005 la modifiant ne prennent en compte le
préjudice subi du fait d'une absence prolongée d'indemnisation par les
personnes qui, comme le requérant, se sont vu priver de leurs biens
Après avoir
examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que le
Gouvernement n'a exposé aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion
différente dans le cas présent.
Compte tenu de
sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu'en l'espèce, la mise en échec
du droit de propriété du requérant sur ses appartements et le terrain afférent,
combinée avec l'absence totale d'indemnisation, lui a fait subir une charge
disproportionnée et excessive, incompatible avec le droit au respect de ses
biens garanti par l'article 1 du Protocole no 1.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, À L'UNANIMITÉ,
- Dit qu'il y a eu violation de l'article 1
du Protocole no 1 de la Convention ;
-Dit
a) que l'État
défendeur doit restituer au requérant les deux appartements et leur terrain
afférent vendus à G.I. et B.C.C., appartements situés respectivement au
rez-de-chaussée et à l'étage de l'immeuble sis à Bucarest, 22 rue Mendeleev
(ancienne rue N. Bălcescu),
premier arrondissement, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt
sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la
Convention ;
b) qu'à défaut d'une telle restitution, l'État
défendeur doit verser au requérant, dans le même délai de trois mois,
210 000 EUR
(deux cent dix mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt,
pour dommage matériel ;
c) qu'en tout état de cause, l'État défendeur
doit verser au requérant, dans le même délai, 4 000 EUR (quatre mille
euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt, pour dommage
moral ;
d) que les sommes en question seront à convertir dans la monnaie de l'État défendeur au taux applicable à la date du règlement.
Dimitrescu c.
Roumanie 3 juin 2008 Jurisprudence : : Brum?rescu c. Roumanie [GC],
no 28342/95, CEDH 1999-VII, pp. 250-256, §§ 31-33 ; P?duraru c. Roumanie, no
63252/00, §§ 38 53, 1er décembre 2005 ; Porteanu c. Roumanie, no 4596/03, §§
32-35, 16 février 2006 ; Radu c. Roumanie, no 13309/03, §§ 18 20, 20 juillet
2006 ; Str?in et autres c. Roumanie, no 57001/00, CEDH 2005-VII, §§ 19 26, 38,
39, 43, 596
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